Dimanche, le Sénat pourrait rebasculer à droite lors du renouvellement de la moitié de ses sièges. Le constitutionnaliste Dominique Rousseau explique en quoi cette institution représente une «France qui n'existe plus».
Pourquoi la bascule du Sénat à gauche en 2011 n’a pas permis d’améliorer l’image de cette Assemblée ?
Au-delà des couleurs politiques, il y a un phénomène de structure : avant d’être de gauche ou de droite, les sénateurs sont d’abord sénateurs ! En outre, il y avait une majorité de gauche mais pas une majorité présidentielle au Sénat, au contraire de l’Assemblée nationale. Du coup, pendant trois ans, la Haute Chambre a très souvent manifesté son opposition aux projets de loi du gouvernement. Lorsqu’il s’agit de lois ordinaires, cette posture ne peut que retarder le vote, puisque l’Assemblée conserve le dernier mot. En revanche, dès qu’il s’agit de textes touchant à la Constitution, le Sénat a un vrai pouvoir de blocage, comme on l’a vu avec le droit de vote des étrangers ou la réforme du Conseil supérieur de la magistrature, dont l’objectif était pourtant de renforcer l’indépendance de la justice vis-à-vis du pouvoir… Aux yeux de l’opinion, le Sénat apparaît au mieux comme un ralentisseur, au pire comme un empêcheur.
N’est-ce pas légitime de s’interroger sur le bien fondé de son existence ?
C'est un questionnement ancien et récurrent. Il y a quinze ans, Lionel Jospin le qualifiait déjà «d'anomalie démocratique». De fait, cette deuxième Chambre n'appartient pas à la tradition républicaine française. En 1791, la première Constitution ne prévoyait qu'une seule Assemblée. En 1848, le rétablissement de la république ne pré