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Analyse

Le règne du chacun pour soi

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Défiance envers l’Etat-providence et la redistribution : la solidarité des plus aisés envers les plus démunis via l’impôt n’est plus évidente.
publié le 30 septembre 2014 à 19h56

L’Etat-providence traverse une double crise existentielle. Il vit au-dessus de ses moyens. Ce qui n’est pas neuf. Mais surtout, sa légitimité est de plus en plus contestée par l’opinion publique française - ce qui est totalement inédit. Une étude du Credoc (1) vient jeter une lumière crue sur cette rupture historique. Jusqu’à présent, en période de chômage élevé, le Credoc avait toujours mesuré une plus forte empathie des Français vis-à-vis des plus démunis. Donc une adhésion aux politiques redistributives et, partant, une acception de l’impôt. Ce lien semble désormais cassé.

Glissement. Depuis 2009, plusieurs indicateurs enregistrent la même secousse : les Français, de plus en plus individualistes, acceptent de moins en moins le principe de solidarité nationale. Entre jeunes et vieux, salariés et sans emplois, pauvres et riches. En 2014, 63% des Français considèrent que «les prestations sociales aux familles avec enfants» sont «globalement suffisantes». En 2008, ils n'étaient que 31% à penser la même chose. En 2014, pour la première fois depuis vingt ans, la proportion de personnes considérant que l'Etat n'en fait pas assez pour les plus démunis est passée sous la barre des 50%. En 1993, ils étaient 73% à penser qu'il devait en faire plus. L'idée que les plus aisés doivent donner aux plus modestes pour établir de la justice sociale perd aussi du terrain depuis deux ans : en 2012, les Français étaient 71% à la partager,