Dans ce décor, les personnages qui entrent et sortent de scène semblent faire du surplace. Le scénario est écrit, les acteurs y tiennent leur rôle, les péripéties s’enchaînent sans vraie surprise. Des spectateurs quittent la salle en silence, d’autres de façon plus sonore. Ceux qui restent se demandent : mais jusqu’à quand ce spectacle va durer ? Et on a l’impression que c’est exactement ce que certains acteurs se demandent pendant qu’ils prononcent leur texte. Le plus étrange, c’est qu’il existe encore des spectateurs - ou des seconds rôles pleins d’espoir - pour croire que quelque chose va se passer ; comme ceux qui, revoyant une pièce pour la énième fois, imaginent qu’elle pourrait finir autrement.
Cette absence d'expressivité, cette vacuité de la parole signale le conformisme contemporain : «Leur deux n'est pas le véritable deux, leur quatre, pas le véritable quatre», déplorait le philosophe américain Emerson dans la Confiance en soi, en justification de la désobéissance. Le discours politique public, tissé d'éléments de langage, est désespérant, sonne faux, y compris quand il est agressif et vulgaire - comme dans le come-back récent d'un personnage qu'on pensait sorti de scène pour de bon. Et en général, personne ne s'étonne de voir un personnage qui a disparu, ridiculisé ou déconsidéré, réapparaître à l'acte suivant pour venir réclamer quelques applaudissements. C'est sans doute que ce genre de rebondissement fait partie, rituellement, du spectacle. A