Historien rattaché au Centre de recherche français à Jérusalem, Vincent Lemire a publié l'an dernier Jérusalem 1900 : la Ville sainte à l'âge des possibles (Armand Colin). Il anime également le projet Open Jérusalem.
Jérusalem-Est est occupée par l’Etat d’Israël depuis 1967, comment expliquer que cette situation dure depuis si longtemps ?
Israël n'avait pas prévu cette annexion. Le provisoire s'est imposé, mais la situation s'est ensuite entièrement bloquée, pour plusieurs raisons. Pour Israël, Jérusalem est sa capitale «une et indivisible», comme indiquée dans sa Loi fondamentale de 1980. Reste que la situation démographique illustre la complexité de la situation. Dans les frontières municipales de Jérusalem, il y a 800 000 habitants, dont 300 000 Arabes. Depuis 1967, la population arabe de Jérusalem a été multipliée par 4 tandis que la population juive de la ville a été multipliée par 2,5. Il y a donc une résistance démographique palestinienne extrêmement forte. La situation dans la Vieille Ville, objet de tant de tensions, est particulièrement caractéristique : on y dénombre 36 000 habitants, dont 26 000 musulmans, 6 000 chrétiens et 4 000 juifs. Les nombreux juifs religieux que l'on voit chaque jour arpenter la Vieille Ville n'y habitent pas pour la plupart. Il faut bien distinguer l'espace de visibilité, religieux et symbolique, de l'espace vécu et habité. Cette situation démographique à Jérusalem contribue en retour au développement de la colonisation démographique menée par les Israéliens en dehors de la ville. La «ceinture de colonies» autour de Jérusalem leur permet de p