Pierre N'Gahane, préfet, est secrétaire général du comité interministériel de prévention de la délinquance (CIPD). Il est en charge du volet prévention du Plan national de lutte contre la radicalisation et les filières jihadistes. Il dresse pour Libération le bilan des six premiers mois de la plateforme de soutien que les proches de jeunes tentés ou déjà partis pour le jihad peuvent contacter via un numéro vert (1). Il revient sur le profil des jeunes français radicalisés et sur les moyens de les détourner du jihad.
Quel est le profil des familles qui vous contactent ?
Vous seriez surprise : sur les 650 appels que nous avons reçu depuis six mois - le lancement de notre numéro vert -, 55% concernent des jeunes qui ne proviennent pas de familles arabo-musulmanes, 44% des appels concernent des filles, 25% des mineurs. Parmi ces parents qui s’inquiètent d’une radicalisation de leurs enfants, il y a beaucoup de classes intermédiaires et supérieures, des médecins, des fonctionnaires…
Peut-être y a-t-il un biais : les familles qui vous contactent ne sont-elles pas plutôt informées et insérées ?
Vous avez raison. Nous travaillons d’ailleurs à toucher davantage les familles les plus populaires. Mais ça ne remet pas en cause un constat clair : le public concerné par la radicalisation et l’attrait du jihad est d’une grande diversité. La radicalisation peut aller très vite : en trois à six mois, un jeune peut partir faire le jihad en Syrie. Ce qu’on a remarqué, c’est que ces jeunes personnes se radicalisent à un moment de grande fragilité : quête de sens, de repère, d’identité, volonté de fuir leur réalité sociale. Des garçons qui ont toujour