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Désintox

Hortefeux, Sarkozy et le pouvoir d'achat des Français

Le proche de l'ex président assure que le pouvoir d'achat des Français n'a pas reculé lors du dernier quinquennat. Si seulement...
L'eurodéputé UMP Brice Hortefeux le 21 mai 2014 à Paris. (Photo Patrick Kovarik. AFP)
publié le 6 janvier 2015 à 13h39

INTOX. Depuis la fin de son intense tournée dans le cadre de la présidence de l'UMP, Nicolas Sarkozy est resté mutique. Ses proches parlent pour lui. Intox comprises. Ainsi, ce matin, Brice Hortefeux expliquait sur France Info : «Les Français sont confrontés pour la première fois, cela ne s'était jamais produit pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, à une baisse de leur pouvoir d'achat».

DESINTOX. En matière de pouvoir d'achat, la foultitude d'indicateurs proposés par l'Insee permet à chacun de faire son marché et de présenter les statistiques sous un jour qui l'arrange.

Ainsi, Brice Hortefeux évoque-t-il sans doute, quand il parle de pouvoir d'achat, l'indicateur le plus favorable pour les responsables politiques mais aussi le moins pertinent, à savoir le pouvoir d'achat du revenu disponible brut (RDB). Il s'agit d'un indicateur macroéconomique qui mesure la différence entre progression de l'ensemble des revenus des Français et celle de l'indice des prix. En dépit de la crise, ce «pouvoir d'achat global de la France» n'a pas reculé entre 2007 et 2011. C'est pourquoi Nicolas Sarkozy l'a fréquemment cité lors de son quinquennat.

En revanche, en 2012, cet indicateur a connu sa plus forte baisse depuis 30 ans (-0,9%). Mais cette dégringolade ne peut pourtant pas être imputée au seul François Hollande, comme semble le suggérer Brice Hortefeux. A en croire l'Insee, elle est même due essentiellement aux hausses d'impôts décidées par Nicolas Sarkozy et François Fillon à partir de la fin 2010. En 2013, ce pouvoir d'achat du RDB a été stable. En 2014, il a progressé de 1,2% et l'Insee attend +1% pour le premier semestre de 2015. Bref, s'il y a effectivement eu une baisse historique en 2012, la responsabilité en est au moins partagée.

Mais l'important est surtout que de toutes les statistiques sur le sujet, le pouvoir d'achat du RDB est celle qui informe le plus mal sur l'évolution du pouvoir d'achat des Français, puisqu'elle tient compte des revenus globaux, sans tenir compte de la progression démographique (chaque année, la population croît de quelque 0,5%, et le nombre de ménages de 1%). C'est comme si on se félicitait de voir grossir un gâteau en omettant de préciser qu'il y a aussi de plus en plus de gens à se le partager. Une erreur contre laquelle l'Insee met en garde dans chacune des études sur le sujet. L'institut statistique ne manque jamais de préciser que le pouvoir d'achat du revenu disponible brut des ménages «doit être corrigé si on souhaite mesurer le pouvoir d'achat moyen des Français»

Il convient donc de regarder le pouvoir d’achat par personne, par ménage voire, encore mieux, par unité de consommation (ce qui permet de tenir compte de la composition des ménages). Et là, contrairement à ce que dit Hortefeux, le pouvoir d’achat n’a pas attendu François Hollande pour baisser.

Le pouvoir d’achat par unité de consommation pointait à la baisse au quatrième trimestre 2014 (-0,3%), selon la note de conjoncture de l’Insee de décembre dernier. Mais ce n’est pas la première fois. Loin s’en faut. Après une baisse de 0,4% pour l’année 2008, le pouvoir d’achat par unité de consommation a baissé en 2011 (-0,4%) puis 2012 (-1,5%). Une chute qui s’est poursuivie en 2013 (-0,6%) mais s’est arrêtée en 2014 (+0,5% sur l’ensemble de l’année, en dépit donc d’une chute au dernier trimestre). La dernière note de conjoncture de l’Insee table sur une progression de 0,7% au premier trimestre 2015.

Il existe un dernier indicateur, censé approcher plus encore le ressenti des Français en la matière. Il s’agit du pouvoir d’achat dit arbitrable. Cette statistique part du principe qu’un grand nombre de consommations (liées au chauffage, au loyer, aux communications) sont difficilement négociables à court terme. Or, ces dépenses dites «pré-engagées» pèsent de plus en plus lourd dans la consommation des ménages (de 15% en 1959 à 33 % en 2009). De ce fait, les ménages disposent de marges de manœuvre plus réduites qu’auparavant dans la gestion de leur budget. Le pouvoir d’achat arbitrable mesure le pouvoir d’achat du revenu des Français une fois ces dépenses déduites.

Et comme l’indique le tableau suivant, le pouvoir d’achat arbitrable par unité de consommation a baissé en 2012 (-2,9%) et 2013 (-1,3%) mais aussi en 2008 (-1%) et 2011 (-0,3%).