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Libération
Témoignage

Iegor Gran: «"Charlie Hebdo", c'est un monument»

L'écrivain travaille depuis quatre ans pour le journal satirique.
En novembre 2011 dans les locaux de «Charlie Hebdo». (Photo AFP)
publié le 7 janvier 2015 à 17h44

L'écrivain Iegor Gran collabore depuis quatre ans à «Charlie Hebdo». Il rend hommage Charb, directeur, à l'irrévérence et à l'impertinence du journal qu'il dirigeait.

«

Je travaillais depuis quatre ans pour

Charlie Hebdo

, où j’ai une chronique une semaine sur deux. Je connaissais très bien Charb. Et Bernard Maris aussi, on s’appréciait beaucoup, il y a des affinités, c’est très triste.

«C'est Charb qui m'a engagé, via Philippe Lançon qui nous avait présentés. Charb m'avait engagé, provisoirement d'abord, pour voir si j'étais Charlie-compatible. ça s'est très bien passé et j'ai une très grande fierté d'être à Charlie. Charb était quelqu'un d'adorable, jamais dans l'agression, toujours fin et respectueux. Il ne méritait pas la haine fatale qui s'est déversée sur lui.

«La dernière fois que je suis allé à la conférence de rédaction du mercredi matin, c'était il y a trois semaines. Je venais assez rarement, toutes les trois semaines environ, mais j'aimais participer aux débats, souvent très drôles et disputés. J'ai failli venir ce matin, mais j'étais très en retard dans l'écriture de mon article pour Charlie, justement, donc je suis resté chez moi.

«Charlie Hebdo, c'est un monument. Les tireurs se sont attaqués à une partie du patrimoine de la presse. Qu'on soit ou non d'accord avec eux, ce journal est un truc unique, en France, et même dans le monde. Il a une irrévérence, une impertinence absolue. Les journalistes de Charlie ont revendiqué être "irresponsables", et ça fait du bien dans un monde qui appelle toujours à plus de pragmatisme, de prudence. Il ne s'agit pas seulement la liberté de parole, qui existe dans d'autres journaux. Charlie est fondamentalement libertaire. Même si nous n'étions pas toujours d'accord entre nous, ce qui nous réunissait, c'était l'envie de rester impertinents. Et un humanisme.

«A l'époque où Charlie a été victime d'un incendie criminel, certains ont dit: "Ils l'ont cherché." C'est parce qu'il y a eu ce genre de phrases, qu'il y a finalement eu des morts ce mercredi. On aurait dû protéger les journalistes de Charlie, pas seulement par des phrases d'indignation, mais en reprenant ce qu'ils publient. Un terroriste ne peut pas faire sauter tout le monde. Il fera sauter un ou deux journaux puis se fera choper. C'est à cause du manque de solidarité qu'ils se sont fait tuer.»