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Libération
Interview

«La une de "Charlie" est au moins doublement critique»

Stéphanie Hennette-Vauchez Prof de droit public
publié le 13 janvier 2015 à 20h16

«Cette une illustre bien l'irrévérence dont se réclame Charlie. Elle est empreinte de fermeté : par le seul fait de représenter à nouveau le prophète, elle défend la liberté d'expression et de caricature. Elle est par ailleurs au moins doublement critique. Le fait que même un prophète dise "être Charlie" nous invite à questionner le sens du mouvement de soutien qu'on a vu se déployer depuis mercredi dernier. Ici et là, des personnes et des groupes qui, jusqu'à présent étaient des adversaires de la ligne de Charlie, ont affirmé "être Charlie" - on pense notamment à des chefs d'Etat peu soucieux de la liberté d'expression…

«On est encore invité à exercer notre esprit critique par l'ironie mordante de la une : la phrase "Tout est pardonné" a quelque chose de la prescription ou du commandement religieux. Le contraste très fort et immédiat entre cette phrase et le sentiment général dans lequel on se trouve tous (ce qui a été commis n'est-il pas impardonnable ?) invite à réfléchir sur la place du message de pardon des religions dans la société contemporaine. Est-il naïf ? Si tout est pardonné, alors n'en parlons plus… Est-il dangereux ? Le pardon comporte un risque d'anesthésie, de perte du sens critique, favorisant alors le fourvoiement dans des mesures plus sécuritaires (un Patriot Act français ?)»