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Estrosi précurseur en carton-pâte de la lutte anti-jihad

Le député-maire de Nice se targue d'avoir créé avant tout le monde une ligne d'écoute pour les proches de «radicalisés».
Christian Estrosi, lors d'un meeting UMP, le 19 novembre 2013, à Paris. (Photo Bertrand Guay. AFP)
publié le 19 janvier 2015 à 10h38

INTOX. La mairie de Nice est à l'avant-garde de la détection des candidats au jihad. Interrogé sur les mesures à prendre par les pouvoirs publics en réaction aux attentats Kouachi-Coulibaly, c'est à peu près ce dont s'est vanté Christian Estrosi, invité de la matinale de France Info ce vendredi 16 janvier.

«Moi depuis près de deux ans j'ai mis en place une cellule "Syrie". […] Lorsque j'ai vu ces mamans et ces papas épuisés. […] J'ai décidé de monter une cellule d'écoute. C'est près de deux cents appels que j'ai reçus, c'est près d'une vingtaine de familles dont j'ai pu évaluer qu'elles étaient concernées

Voir ce passage à environ 2’50" dans cette vidéo :

En prenant la mesure du danger il y a deux ans, le député-maire de Nice aurait-il donc devancé le ministère de l'Intérieur, qui lançait en avril dernier un plan de lutte contre les filières jihadistes ?

DESINTOX. A Nice, il existe bien une cellule d'écoute «contre les dérives fondamentalistes». Elle est composée d'une équipe de huit personnes (dont un psychologue et des assistants sociaux), qui étaient auparavant mobilisées sur une ligne d'assistance aux victimes d'actes délinquants. Selon la conseillère municipale en charge de l'équipe, elle permet un suivi psychologique, juridique et social des familles concernées par la radicalisation ou le départ de proches. Elle transmet aussi au ministère de l'Intérieur les informations sur les individus suspectés d'un départ vers une formation militaire au Moyen-Orient.

Sauf que cette «cellule Syrie» a été créée le 8 octobre 2014… et pas il y a deux ans, comme s'en enorgueillit Estrosi. Le maire de Nice avait alors largement communiqué sur la création de la ligne d'écoute (voir ci-dessous la conférence de presse). Il s'agit alors clairement d'une mesure politique en réaction au départ de onze membres d'une même famille niçoise (les Sovieri) vers la Syrie, une affaire érigée en symbole du risque des radicalisations.

La ligne d’écoute municipale n’a d’ailleurs à ce jour – selon sa responsable – traité qu’une centaine d’appels (deux fois moins que ce qu’affirme Christian Estrosi) et suit régulièrement huit familles (et pas une vingtaine).

Le maire semble aussi oublier que le dispositif n’a pas seulement été le fruit de son initiative personnelle… Il a en effet été mis en place quelque mois après le plan national de luttes contre les filières jihadistes (présenté par Manuel Valls au conseil des ministres du 28 avril 2014). Le ministère de l’Intérieur avait lancé le CNAPR, le centre national d’assistance et de prévention contre la radicalisation, qui comporte une ligne d’écoute active 24h/24. Le centre permet de transmettre les informations collectées sur les individus suspects aux départements concernés.

Le même mois d’avril, la préfecture des Alpes-Maritimes avait créé une cellule de veille chargée de la surveillance des candidats au jihad. On y trouve le directeur de cabinet de Christian Estrosi, Jehan-Eric Winckler, directeur du cabinet du préfet des Alpes-Maritimes, et des représentants des services de renseignement. Le Conseil général et la ville de Nice y sont aussi représentés pour réfléchir et organiser l’accompagnement social des familles.

En septembre 2014,  un «groupe radicalisation» (composés des services de l’Etat concernés par la lutte contre les réseaux jihadistes – l’éducation, la Protection judiciaire de la jeunesse, la police et la gendarmerie) avait aussi été lancé par la préfecture. Dès lors, l’instance fait remonter vers l’Etat les informations concernant les individus repérés dans les Alpes-Maritimes – de la même manière que la «cellule Syrie d’Estrosi»… créée un mois plus tard.