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Pour Huchon, la région du plus fort est toujours la meilleure

En annonçant vouloir rempiler pour un quatrième mandat, le président d’Ile-de-France a pris tout le monde de court et jeté les bases d’un conflit que la gauche voulait éviter.
Jean-Paul Huchon (ici en juin 2014), préside la région Ile-de-France depuis mars 1998. (Photo Frédéric Stucin pour Libération)
publié le 19 janvier 2015 à 18h56

Au mieux, c'est de l'incompréhension. Au pire, de la colère. La candidature de Jean-Paul Huchon à sa succession à la tête de la région Ile-de-France faisait peu de doute au Parti socialiste. Mais son annonce, mercredi dernier, en pleine semaine de deuil et d'union nationale, a pris tout le monde par surprise. Le président sortant, qui brigue donc un quatrième mandat en dépit des statuts du PS l'interdisant, a fait fuiter qu'il rempilait par son entourage. Jeudi soir, il n'a pas pipé mot de sa candidature lors de la cérémonie des vœux du conseil régional, que certains ténors ont choisi de sécher pour montrer leur désapprobation. «Depuis une semaine, tout le monde fait un sans-faute, du plus petit député de base au Président, mais il y en a un qui fait le con», s'emporte un dirigeant socialiste régional.

D'autant que, mardi dernier, le bureau national du PS a suspendu son calendrier officiel pour la désignation des têtes de liste dans certaines régions. Jusque-là, les candidatures devaient être déposées avant le 15 janvier et le vote interne (en deux tours) avoir lieu les 5 et 6 février. Après une séance entièrement consacrée aux attentats et à «l'énorme responsabilité des politiques face aux défis français», dixit un participant, le premier secrétaire, Jean-Christophe Cambadélis, a annoncé que quatre régions désigneraient finalement leur candidat après les élections départementales de fin mars : l'Ile-de-France, la Bretagne, la Bourgogne-France-Comté et Rhône-Alpes-Auvergne. Un scénario pour lequel plaidait depuis des semaines le président de l'Assemblée nationale et patron politique de la Seine-Saint-Denis, Claude Bartolone.

«Bonnet rose». «Tout est possible et tout dépend des départementales, souligne Christophe Borgel, chargé des élections au PS. Notre job, c'est que les socialistes ne se déchirent pas. C'était vrai avant les attentats, ça l'est encore plus après.» Car c'est une primaire à hauts risques qui se profile dans la plus grande région de France, Marie-Pierre de La Gontrie, première vice-présidente de Huchon, s'étant officiellement lancée dans la bataille en décembre. Son credo n'a pas changé. «On a vu aux municipales de l'an dernier que le renouvellement était une composante cruciale, qu'il fallait proposer une offre politique différente au risque de se faire balayer», insiste la candidate.

Sur la forme, le fait que les indétrônables Martin Malvy et Michel Vauzelle aient fini par jeter l'éponge en Midi-Pyrénées et en Provence-Alpes-Côte-d'Azur accentue la pression sur Jean-Paul Huchon. Mais sur le fond, de nombreux conseillers régionaux ne sont pas satisfaits du duel qui s'annonce entre «bonnet rose et rose bonnet». La gauche du parti, qui envisage de déposer une candidature, entend donc mettre à profit le nouveau délai imparti pour «discuter de politique». «Au plan national, nous sommes pour la VIe République donc, au plan régional, nous voulons un changement de méthode pour plus de parlementarisme et de collégialité», explique Roberto Romero, vice-président chargé de l'international et proche de Benoît Hamon. Autres pistes : plus de solidarité entre les territoires, des alliances «exigeantes» - comprendre : «ne pas pencher au centre», ce dont ils soupçonnent le président sortant - et une forte dose de «nouvelles solutions écologiques».

«Camion de pompiers». «D'un point de vue idéologique, Jean-Paul Huchon et Marie-Pierre de La Gontrie, c'est le même choix, explique un autre membre de l'aile gauche régionale. Mais si on se demande qui renouvelle l'offre, qui fait avancer la parité et qui bouge sur les partenaires, c'est elle qui a tout ça. Avant Noël, elle part en outsider. A la rentrée, elle revient au volant du camion de pompiers avec beaucoup de monde derrière elle.» Dans un courant peuplé de «Torquemada du non-cumul», selon la formule de Romero, La Gontrie semble en meilleure position. Elle a, de plus, le soutien explicite de la maire socialiste de Paris, Anne Hidalgo, et de la fédération PS de la capitale, ce qui augure d'un avantage non négligeable dans les urnes. «Paris est une énorme fédération, et comme les autres fédérations départementales ne sortiront jamais à 100% pour Huchon, on peut dire a minima qu'il n'y a aucune certitude», décrypte un cadre socialiste. Rue de Solférino, on estime que les socialistes régionaux seraient bien inspirés de concentrer leurs attaques sur la droite régionale. Dès le lendemain des attentats terroristes, sa candidate, l'ex-ministre UMP Valérie Pécresse, a réclamé un «Patriot Act à la française». «On a l'occasion de montrer que celle qui prétend être à la tête de la plus grande région de France ne comprend pas les enjeux du moment. Ne passons pas à côté», enjoint un secrétaire national du PS.

Dans le camp Huchon, on joue le calme et la carte de la légitimité, politique et économique. «Notre bilan est bon, personne n'a à rougir et encore moins à se retirer», estime un partisan du président sortant. Côté alliances, l'entrée en vigueur en septembre prochain du pass Navigo à tarif unique - une exigence des écologistes, membres de la majorité régionale depuis 2010 - joue plutôt en sa faveur. Jean-Paul Huchon semble cependant avoir reçu cinq sur cinq le message sur le nécessaire renouvellement puisqu'il envisagerait un ticket. «Ce n'est que pour deux ans», tente-t-il de rassurer ceux qui l'interrogent. Poussé par une palanquée de premiers secrétaires fédéraux du PS, quadras et élus de la grande couronne comme lui, le député de l'Essonne Carlos Da Silva se verrait bien en colistier et futur président. Suppléant de Manuel Valls, Da Silva trouve sur son chemin un complice, autre très proche du Premier ministre, le jeune sénateur Luc Carvounas. Qui, lui, a pris position en faveur d'une candidature de Marie-Pierre de La Gontrie. «Les deux lieutenants de Valls qui s'écharpent, ça n'est bon pour personne, lâche un dirigeant national du parti. L'union était un slogan avant le 11 janvier. Maintenant, c'est une obligation.»