Ça bouge enfin à la gauche du PS. Fini les «tribunes», «forum», «meetings» et autre «colloques» entre dirigeants communistes, écologistes et socialistes sans que soit écrite la moindre ligne d'un projet commun. Voici venu, en ce début d'année, le temps des travaux pratiques. En tout cas, c'est ce que les 500 premiers signataires d'un appel intitulé «Chantiers d'espoir», publié sur Mediapart, annoncent ce jeudi. «Nous voulons construire une alternative», écrivent-ils dès la première ligne de ce texte signé par des politiques comme les écologistes Cécile Duflot et Emmanuelle Cosse, des représentants du Front de gauche (Jean-Luc Mélenchon, Pierre Laurent, Clémentine Autain…) et des dirigeants de l'aile gauche du PS, mais aussi des syndicalistes, des artistes, des économistes ou des féministes.
«Tous les pans de la société doivent se mettre en mouvement», demande Clémentine Autain, dont la formation politique, «Ensemble», membre du Front de gauche, est à l'origine de cette mise en route. Dans ce même appel, les signataires insistent ainsi sur «l'urgence de reconstruire une perspective commune face aux inégalités qui explosent». «Comment un Président élu avec la force de 17 millions de voix a-t-il pu mettre en œuvre une politique qu'il dénonçait hier? interrogent-ils. Comment une partie de la gauche, qui affirmait pourtant un idéal de changement, de progrès social et de justice, a-t-elle pu à ce point tourner le dos aux exigences qui l'ont portée au pouvoir?»
Début des travaux en février
Déçus par la politique de François Hollande, ces personnalités proposent d'«élaborer une alternative politique, sociale et écologiste» et «de susciter des rencontres, partout en France, pour tracer un nouveau chemin». «Des rencontres, connectées, pour échanger et inventer ensemble le projet et la stratégie», ajoutent-ils. Les premières «rencontres» devraient se dérouler début février à Paris et Montpellier puis dans d'autres villes. Un logo et un site internet suivront. Tout comme la constitution de «collectifs locaux». «Il faut que ce soient des initiatives décentralisées, insiste Autain. On ne veut pas d'une discussion entre organisations politiques. On veut que chacun se pose les questions: "Qu'est-ce que nous ferions si nous étions au pouvoir? De quoi rêvons-nous?"»
Où veulent-ils aller? Officiellement, pas question de parler de 2017 et de la présidentielle. «Si on parle tout de suite de 2017, on perd d'emblée beaucoup d'acteurs prêts à venir dans ces chantiers, estime Marie-Pierre Vieu, membre de la direction du Parti communiste. Il faut reprendre le fil des débats, peser, donner un signe de vie à gauche.» Dans les faits, ces «rencontres» sur «des thèmes précis» permettront aussi, dit Eric Coquerel du Parti de gauche, de juger si «déjà, on peut gouverner ensemble». Et ces réunions ressemblent aussi beaucoup aux «assemblées citoyennes» mises en place par le Front de gauche avant la présidentielle de 2012 et la désignation de Jean-Luc Mélenchon comme candidat commun. «On veut cette fois-ci que cela échappe aux partis politiques, défend Vieu. Que cela devienne un vrai mouvement d'implication citoyenne».
«Pas un rassemblement antigouvernemental»
«On veut d'abord enclencher une dynamique politique et vérifier nos convergences», ajoute Autain. Il s'agit ainsi de remettre en mouvement un tissu militant de gauche (qu'il soit politique, syndical ou associatif), anesthésié depuis 2012. Et faire aussi de la place à des écolos désormais en rupture avec le gouvernement. La preuve d'un changement d'alliance chez Europe Ecologie-Les Verts? Le signe que pour 2017, ils tourneront le dos à Hollande? «On n'écrit pas le point d'arrivée, précise David Cormand à la direction d'EE-LV. On ne s'interdit pas que cela converge vers la présidentielle mais ce n'est pas une obsession.». La condition de participation des écolos à ces «chantiers» est que «cela ne se cantonne pas à la gauche de la gauche» et que «ce ne soit pas un rassemblement antigouvernemental».
La secrétaire nationale, Emmanuelle Cosse, a choisi de s'y engager car, insiste Cormand, le mouvement se «tourne vers les citoyens» et «sur les propositions»: transition écologique, égalité «entre les individus», «dépasser la monarchie élective»… En tout cas, au Front de gauche, on se réjouit de ce rapprochement avec un parti qui était encore au gouvernement il y a un an. «Cela pourrait être le dépassement souhaité du Front de gauche», se félicite Eric Coquerel, coordinateur du Parti de gauche. «On démontre qu'il est possible d'organiser une autre majorité à gauche», ajoute Marie-Pierre Vieu du PCF.
«Le plus dur sera d'arriver à le structurer dans la durée», prévient Autain, lucide sur les européennes décevantes de cette «autre gauche» et la non-coagulation des déçus du hollandisme. Le coup de pouce pourrait venir de la Grèce et d'une victoire, dimanche, de Syriza, parti qu'ils ont soutenu lundi soir à Paris lors d'un meeting. «Ce qui va faire venir du monde, dans nos chantiers, fait valoir Autain, c'est l'idée qu'on peut être au coeur et non à la marge du monde politique». Avoir des amis qui gouvernent, ça peut toujours aider à lancer une affaire.