Nicolas Sarkozy radote. Mercredi soir, au 20 heures de France 2, le président de l'UMP a encore répété, comme à chacune de ses sorties depuis les attentats, vouloir «retirer la nationalité [française] aux jihadistes binationaux», ce qui n'est au passage possible que pour ceux qui l'ont acquise au cours de leur vie… Mais l'ancien locataire de l'Elysée recycle aussi ses intox. A l'image de sa campagne automnale pour la présidence du parti, dopée aux mensonges et aux raccourcis, il s'est illustré mercredi soir par plusieurs contre-vérités sécuritaires.
D'abord, un grand classique : le bilan. «Pendant votre quinquennat, le nombre de personnel de police et de gendarmerie a diminué de plusieurs milliers», a osé David Pujadas. «C'est faux, c'est faux, c'est totalement faux», a répliqué l'ex-président avec aplomb. C'est pourtant totalement vrai. Selon un rapport parlementaire paru en octobre, la police nationale et la gendarmerie ont ainsi perdu près de 7 000 agents chacun en équivalent temps plein entre fin 2007 et fin 2012. Au total, ce sont donc plus de 13 000 postes qui ont été supprimés, sous l'effet notamment du non-remplacement du départ à la retraite d'un fonctionnaire sur deux - la fameuse «RGPP», ou révision générale des politiques publiques, instaurée en 2007 par Sarkozy lui-même… Un chiffre qui tombe à 10 000 si l'on se base plutôt sur les lois de finances, mais il s'agit là d'effectifs budgétaires, qui ne rendent pas compte des effectifs réels - un emploi budgétaire peut par exemple être occupé par plusieurs personnes à temps partiel.
Entrevue. L'ancien président de la République ne s'est pas arrêté là. Nicolas Comte a sauté sur sa chaise - et son compte Twitter - quand il a entendu l'ex-ministre de l'Intérieur proposer de «rétablir les heures supplémentaires dans la police» sur la foi de ses entrevues du jour : «J'ai vu leurs syndicats ce matin, ils sont tous d'accord.» Le porte-parole d'Unité SGP Police FO n'avait rendez-vous que le lendemain, jeudi matin… à la demande du patron de l'UMP. Et il sait bien que les heures supplémentaires peuvent difficilement être rétablies, puisqu'elles n'ont jamais disparu. Fin 2014, l'ensemble des effectifs de la police nationale affichait un total impressionnant d'une vingtaine de millions d'heures supplémentaires non récupérées. Un phénomène qui date, et qui progresse : il n'y en avait «que» 18,4 millions fin 2008. «Vous pouvez renforcer notre dispositif sans perte de temps en décidant immédiatement de rétablir les heures supplémentaires dans la police, dans les services de renseignement, a pourtant affirmé Sarkozy sur France 2. On peut, avec les heures supplémentaires, avoir 4 000 équivalents temps plein de plus tout de suite.»
Rétablir un système qui n'a jamais disparu permettrait donc de dégager 4 000 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires ? Ces propos n'ont pas de sens. Reste à savoir ce que Sarkozy voulait vraiment dire. Alors qu'il l'a rencontré avant sa venue sur France 2, Philippe Capon, secrétaire général de l'Unsa Police, reconnaît n'avoir parlé qu'«un peu» des heures sup au cours de son entretien avec Sarkozy et ses bras droits en charge de la sécurité, Brice Hortefeux et Frédéric Péchenard.
Sous-titres. En fait, le président de l'UMP faisait référence - il fallait deviner - à un ancien dispositif, actif en 2011 et 2012, le «plan d'optimisation opérationnelle». C'est Bruno Beschizza, secrétaire national de l'UMP à la sécurité, qui s'est chargé de faire les sous-titres dans un communiqué, jeudi matin. Ce régime se distinguait des heures supplémentaires classiques pour deux raisons : il permettait aux agents de travailler sur leurs jours de repos, et non en prolongement de leurs horaires de travail habituels ; et il indemnisait ces heures-là, contrairement aux heures sup classiques, traditionnellement récupérées par les forces de l'ordre.
Une version confirmée par Sarkozy jeudi matin, lors de son entrevue avec les responsables d'Unité SGP Police FO. «C'était un dispositif intéressant, il y avait d'ailleurs eu beaucoup de volontaires, se souvient Nicolas Comte. Il a un effet sur les patrouilles et la présence sur les points sensibles, mais il ne permet pas d'avoir des services de renseignement plus efficaces, d'autant que dans le contexte actuel, ils ne comptent pas leurs heures.» Mais ce système nécessite un gros effort financier, «et dans le contexte budgétaire actuel, je suis dubitatif», poursuit le syndicaliste. «Les choses ont changé depuis 2011, ajoute-il. Les policiers sont fatigués, ils souffrent de la pénurie d'effectifs chronique et des charges de travail qui augmentent. En situation d'urgence, cette solution peut apporter un plus, mais cela peut difficilement être une réponse de long terme.»
C'est pourtant bien cela, confirme Bruno Beschizza, qui permettrait de «créer 4 000 équivalents temps plein». Un chiffrage étonnant : selon la Cour des comptes, qui avait critiqué ce dispositif «particulièrement onéreux» dans un rapport de mars 2013, «829 922 heures supplémentaires effectivement travaillées ont été indemnisées de juillet 2011 à juin 2012». Soit 450 équivalents temps plein environ, très loin des 4 000 vantés par l'UMP.