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Libération

François Hollande se rêve en intermédiaire européen

Alors qu’ils l’ont longtemps snobé, le président français et le PS voient dans le nouveau Premier ministre grec, Aléxis Tsípras, un contrepoids à Angela Merkel.
François Hollande à Athènes en février 2013, lors d'un forum économique. (Photo Bertrand Langlois. AFP)
publié le 26 janvier 2015 à 20h16
(mis à jour le 26 janvier 2015 à 20h49)

Un «facilitateur», une «passerelle», un «médiateur» entre la Grèce et l'Allemagne. Voilà comment, au lendemain de la victoire de Syriza et de son leader, Aléxis Tsípras, les socialistes décrivent la place que doit désormais occuper François Hollande sur la scène européenne : centrale. Comme il l'aime. «Il sera dans la position de celui qui cherche le compromis entre tous les Européens, sans pour autant déstabiliser les règles», insiste-t-on dans son entourage. Avoir un Tsípras à sa gauche et une Angela Merkel à sa droite à la table du Conseil à Bruxelles n'est pas pour lui déplaire…

«Fenêtre de tir». Ce rôle-là, Hollande compte l'endosser très vite. Le Président a fait savoir lundi dans un communiqué qu'il s'était «entretenu» avec le nouveau Premier ministre grec «invité à se rendre rapidement à Paris», en lui assurant le soutien de la France. «Quand on regarde ce que propose concrètement Tsípras, poursuit ce même conseiller. Ce sont des choses qui vont dans notre sens : réformer l'Etat, lutter contre l'évasion fiscale, réformer la fiscalité, plus de justice sociale…» De même sur la question de la «réorientation» de l'UE, «tout ce que dit Tsípras va dans notre sens», dit-on à l'Elysée. En revanche, pour ce qui est de la renégociation de la dette, Hollande a rappelé lundi que «des engagements ont été pris»et qu'ils devaient «être tenus». Ce qui laisse entrevoir de longues et tendues négociations avec Athènes, Berlin et Bruxelles.

Reste ensuite à obtenir de la souplesse côté Merkel. Hollande doit dîner vendredi au Parlement européen de Strasbourg avec la chancelière. Au PS, ils sont nombreux à espérer voir le chef de l'Etat rattraper «l'occasion manquée» de 2012 : tout juste élu, Hollande avait alors renoncé à renégocier le pacte de stabilité budgétaire, alors qu'il s'y était engagé dans sa campagne. «Il a une fenêtre de tir», veut croire Pervenche Berès, chef de file des socialistes à Strasbourg. «Mme Merkel ne comprend que le rapport de force. Hollande doit s'engouffrer dans cette brèche», réclame Emmanuel Maurel, député européen et l'un des porte-voix de l'aile gauche du PS.

L'écologiste Yannick Jadot attend aussi une audace de Hollande : «Il a raté le plan de relance de 2012, raté [Matteo] Renzi l'an dernier, il ne peut pas rater Tsípras», prévient-il.

«On lui reproche trop souvent de ne pas avoir renversé la table, le défend de son côté le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis. Pourtant, il a toujours poussé cette réorientation : les fleurets mouchetés avec Merkel portaient là-dessus.» Plan d'investissement Juncker, assouplissement des règles budgétaires, décisions historiques de la Banque centrale européenne… les socialistes ne cessent de recenser les «changements» depuis deux ans et demi. «Tout va dans le sens de ce que nous défendons : les politiques de sortie de crise reposent sur le soutien à la croissance et non sur l'austérité», souligne Harlem Désir, secrétaire d'Etat aux Affaires européennes. Son collègue au Commerce extérieur, Matthias Fekl, voit également une «forme d'espoir» dans cette victoire de Syriza, une «gauche radicale, jeune, prête à se coltiner le réel». «Nous n'avons pas à être inquiet, dit-il. Ils veulent changer les choses. Tant mieux.»

Convertis. Pourtant, dans la famille socialiste, certains ne connaissaient pas Tsípras il y a encore quelques mois. En mai 2012, de passage à Paris, le leader de Syriza avait sollicité les socialistes. Sans réponse de leur part, il s'était contenté d'une conférence de presse et d'un meeting avec ses alliés du Front de gauche. «Nous étions dans une autre situation, fait valoir Cambadélis. Tsípras n'était pas celui qu'il est aujourd'hui. Il voulait sortir de l'euro !» Elu, Hollande était lui intervenu à la télévision grecque pour… mettre en garde contre une sortie de l'euro. Une intervention perçue à l'époque comme anti-Tsípras.

Sans complexes, certains socialistes n'hésitent plus depuis dimanche à simplifier le programme de Syriza. Le secrétaire d'Etat aux Relations avec le Parlement, Jean-Marie Le Guen, a par exemple expliqué que Tsípras était sur des positions «plus proches de celles de François Hollande que de celles de Jean-Luc Mélenchon». Augmentation du salaire minimum, treizième mois pour les petites retraites… On est loin des décisions prises depuis 2012. Maurel ironise sur ces convertis de la dernière heure : «Ça va être difficile de saluer l'arrivée au pouvoir de Syriza en Grèce et ensuite voter la loi Macron. C'est de la schizophrénie.»