Syriza en Grèce, «l'alternative» en France ? On en est loin. Jean-Luc Mélenchon a beau réclamer «vite» un «effet domino» de ce côté-ci du continent, l'«autre gauche» française, comme il l'appelle, est un vaste chantier. Fort de ses 11% obtenus en 2012, le Front de gauche aurait pu constituer un noyau solide. En plus d'être à l'arrêt, il est aujourd'hui fracturé. Les partis qui le constituent auraient pu former le socle de ce «Syriza français» : ils n'ont pas su s'entendre pour transformer leur cartel en force politique aux formes politiques nouvelles, ils ont laissé mourir leurs «assemblées citoyennes», cellules embryonnaires possibles de cette «nouvelle manière de faire de la politique» que réclame sans cesse cette gauche.
Les fractures issues des municipales, les colères télégéniques et radiophoniques de l'ex-candidat à la présidentielle justifiant son «parler cru et dru», tout comme les accusations de «tireur dans le dos» lancées aux communistes parce qu'ils choisissaient de continuer à nouer des alliances avec les socialistes, ont fini de nourrir la défiance interne. Et d'assécher le capital sympathie de cette gauche au-delà de ses réseaux militants. C'est un fait électoral depuis les européennes: pour «incarner la colère» en France en 2015, l'extrême droite et l'abstention sont meilleures que la gauche. Plus que «l'autonomie», les électeurs de gauche attendent sympathie et pédagogie. Ils veulent voir leurs responsables politiques unis.
Apportant une fraîcheur depuis Athènes, Syriza et Tsipras offre une chance historique à cette «autre gauche» pour réussir (enfin) sa composition. D'autant qu'avant ce bon vent venu d'Athènes, les rapprochements rouges et verts pour les prochaines départementales avaient déjà commencé à se multiplier sans bruit, tandis qu'un rassemblement inédit sous la bannière «Chantiers d'espoirs» pour «construire une alternative» réunit déjà Duflot, Mélenchon, Laurent, Cosse, Autain… et des responsables du monde associatif et syndical encore loin, eux, de penser à 2017.
Oui mais voilà… Quand certains tentent un Meccano politique complexe et fragile, Mélenchon est sorti ce week-end dans le Journal du dimanche en parlant déjà de «candidature commune de ce nouvel espace». S'il voulait torpiller cette initiative de «rassemblement» en parlant déjà de 2017, il ne s'y serait pas pris autrement. Un risque de paralysie que voulaient justement éviter ses promoteurs… A moins qu'à cette proposition de «candidature commune», Mélenchon ajoute une conversion aux primaires ouvertes. Portée par Eva Joly et ses amis, ce mode de désignation permettrait, comme l'a fait le PS en 2011, de travailler d'abord sur un projet avant de laisser les sympathisants de gauche choisir celui ou celle qui leur semble le plus à même d'«incarner» cette alternative. Chiche ?