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Libération
Analyse

Juppé et Sarkozy : sur la route, loin des radars

Chacun de son côté et chacun dans son style, le maire de Bordeaux et le président de l’UMP sont repartis «sur le terrain» cette semaine, en vue de 2017.
Nicolas Sarkozy et Alain Juppé, le 3 décembre, au siège de l'UMP, à Paris. (Photo Guillaume Binet. MYOP)
publié le 29 janvier 2015 à 19h36

Un temps suspendue après les attaques terroristes, la bataille pour 2017 a repris à l'UMP. La plupart des candidats potentiels à la primaire qui désignera l'an prochain le candidat de la droite à la présidentielle étaient «sur le terrain» cette semaine. Notamment les deux favoris, Alain Juppé et Nicolas Sarkozy. Le premier, mercredi soir en Saône-et-Loire, le second, jeudi matin à Tourcoing.

Pour le maire de Bordeaux, il s'agissait de la première étape du tour de France qu'il entend poursuivre pendant toute l'année. L'objectif étant, comme il l'a déclaré, devant quelque 800 sympathisants réunis pour entendre les vœux du député européen Arnaud Danjean (UMP), de «faire émerger les mesures fondamentales» - une quinzaine tout au plus - qui donneront «un cap» au prochain quinquennat. Pour Sarkozy, c'était aussi la première sortie depuis son élection, moins triomphale qu'espérée, à la tête du parti. L'occasion de réaffirmer un leadership sérieusement malmené. Jusque dans les rangs sarkozystes, on s'inquiète des débuts poussifs d'un leader décidément bien peu naturel. «Il s'est banalisé. La magie n'opère plus», entend-on dans les couloirs de l'Assemblée nationale.

Pluie. Ces deux sorties quasi-simultanées donnaient à voir les forces et faiblesses des deux compétiteurs. L'équipe Juppé n'ayant rien entrepris - bien au contraire - pour attirer les médias, le déplacement de l'ex-Premier ministre est resté relativement confidentiel. Beaucoup plus entouré, Sarkozy n'aura cependant pas tiré grand profit des sympathiques images de sa pérégrination dans le fief de son ex-porte-parole Gérald Darmanin, député-maire de Tourcoing. Comme souvent, une pluie de mauvaises nouvelles a gâché la fête ce jeudi. La perquisition de son ex-directeur de campagne, Guillaume Lambert, a sonné comme un rappel de la menaçante affaire Bygmalion, ce scandale des fausses factures destinées à cacher ses dépenses de campagne lors de la présidentielle de 2012. Jeudi encore, un sondage Ifop pour Marianne plaçait Marine Le Pen autour de 30%, largement en tête du premier tour de la présidentielle si celui-ci avait lieu dimanche. Et ce, en toute hypothèse, avec Juppé comme avec Sarkozy, l'un comme l'autre à 23%. De quoi relativiser l'argument selon lequel l'ex-président serait le meilleur rempart de la droite républicaine contre le FN. Autre contretemps, plus cruel encore : le candidat UMP à l'élection partielle dans le Doubs, Charles Demouge, confiait au Point qu'il n'était pas franchement demandeur d'une visite de soutien de Sarkozy avant le deuxième tour du 8 décembre.

Le chef de l’UMP aura eu droit, mercredi, à de nombreuses et chaleureuses félicitations pour son soixantième anniversaire. Notamment celui de Cyril Hanouna et de son équipe, en direct sur Europe 1. Maigre consolation. Pas sûr que Juppé soit preneur d’un tel hommage le 15 août, pour ses 70 ans.

A Tourcoing, Sarkozy s'en est tenu à son rôle d'opposant et de rassembleur. Devant un petit millier de supporteurs rassemblés au théâtre municipal, il a fustigé la généralisation du tiers payant dans le secteur médical, «mesure démagogique et contre-productive» qui cacherait une volonté de «détruire la médecine libérale». Il a mis en garde contre l'unité nationale qui ne saurait être «une petite bouteille de chloroforme». Figure obligée de tous ses meetings, «l'immigration incontrôlable» n'a pas été oubliée. «Si nos partenaires ne sont pas convaincus, on sort de Schengen et nous reviendrons quand ils auront changé Schengen», a-t-il grondé. La veille, Juppé invitait son auditoire à ne pas écouter «les fariboles» de ceux qui parlent de «supprimer Schengen»…

«Messe». Trois semaines après les attaques terroristes, le maire de Bordeaux ne renonce pas à défendre la possibilité d'une «identité heureuse», partagée par des Français dans leurs différences. Pas question, en tout cas, de disserter sur la «guerre de civilisation» chère à Sarkozy. Juppé se méfie des excès des défenseurs zélés de la laïcité. Faut-il interdire le foulard aux mèresaccompagnatrices de sorties scolaires et aux étudiantes à l'université comme le préconise l'UMP sans en avoir délibéré en bureau politique ? «Quand ma maman allait à la messe, elle portait un foulard», a glissé Juppé, en marge de son meeting. Très critique sur les politiques économique et pénale du gouvernement, le maire de Bordeaux salue la «nécessaire» unité nationale qui exige «une opposition constructive, solidaire des décisions urgentes». Affirmant que l'heure n'est pas «aux calculs partisans et aux tactiques politiciennes». Pour définir «le cap», il invite ses sympathisants à «réfléchir» au sein de «groupes de citoyens». «Aidez-moi», a-t-il lancé un peu timidement. Un appel qui tranche avec le même «aidez-moi !» théâtral et fiévreux, qui concluait, au printemps 2012, les meetings du concurrent malheureux de François Hollande.