On ne s'y retrouve plus. Les uns parlent d'extension du «service civique», d'autres de «service national», les plus raides de «service militaire» et voici que les députés socialistes réfléchissent désormais à un «service républicain». Trois semaines après les mobilisations qui ont suivi les attentats de Paris et les interrogations sur «comment faire peuple» – ou «patrie» –, les responsables politiques, marqués par le refus d'une minorité d'élèves de respecter la minute de silence, redoublent d'imagination pour inculquer les «valeurs de la République» à la jeunesse de France.
«A côté du travail de l'école, nous réfléchissons sur comment la nation peut accueillir chaque tranche d'âge et lui offrir un engagement en faveur de l'intérêt général et l'idéal républicain», explique Yves Blein, député PS du Rhône. Concrètement, de jeunes français âgés de 16 à 25 ans devraient offrir «4 à 6 mois» de leur temps pour des cours du soir, du social, de l'associatif… Un groupe de travail de députés a été constitué et doit, d'ici peu, faire de premières propositions. L'une d'elles s'annonce déjà polémique : rendre ce «service républicain» obligatoire. «Nous voulons qu'il soit universel et que les jeunes y viennent tous, souligne Blein. Et pour qu'ils y viennent tous, il faut que cela soit obligatoire».
Punitif ?
De quoi faire hurler les jeunes de sa propre famille politique : «ce dispositif serait une réponse inadaptée à la défiance démocratique partagée par de très nombreux jeunes», ont fait savoir des Jeunes socialistes, «sceptiques quant à l'utilité d'un dispositif contraignant calqué sur le service militaire, non volontaire et non rémunéré, qui dévaloriserait de fait l'engagement en lui donnant une image punitive». Président de l'Agence du service civique, l'ex-patron de la CFDT François Chérèque estime qu'une telle mesure obligatoire pourrait déclencher «un mouvement de la jeunesse de type CPE». «Il serait bien qu'il soit discuté avec les jeunes», a-t-il ajouté jeudi sur France Inter, critiquant ce projet de «service civique obligatoire de six mois non indemnisé, avec 15 jours en caserne, en uniforme, et si vous ne le faites pas vous avez 15 000 euros d'amende et de la prison». Punitif ? L'argument n'est pas recevable pour leurs aînés socialistes : «L'obligation de scolarisation n'est tout de même pas une punition ! C'est une chance !»
Mais si une partie des parlementaires PS semble attirée par cette voie, ce n'est pas le cas de l'Elysée. «Il n'est pas sur cette position», fait-on savoir dans l'entourage de François Hollande, mettant en garde sur la «faisabilité» d'un tel dispositif, de son «coût financier» mais aussi «politique». Preuve que pour un Président notamment élu parce qu'il avait affiché que la jeunesse était sa priorité, il serait malvenu d'imposer à ces jeunes soucieux de liberté un service obligatoire et non-rémunéré sans avoir réglé les questions d'emploi pour cette génération…
«Cohésion dans notre pays»
Démentant tout projet d'un référendum sur la question, les proches du chef de l'Etat prennent donc soin de rappeler que François Hollande préfère «étendre» le service civique actuel. Ce dispositif, basé sur le volontariat, permet depuis 2010 à des jeunes de 16 à 25 ans de s'engager pour six à douze mois dans des missions d'intérêt général (éducatives, sociales…) auprès d'associations ou de collectivités. Il est aussi indemnisé : 570 euros par mois. «Le Président veut que tous les jeunes qui veulent faire un service civil puissent le faire», insiste-t-on à l'Elysée. Après les attentats, Hollande avait expliqué que «tous les volontaires», soit «entre 150 000 et 170 000 par an», pourraient faire leur service civique d'ici 2017. Aujourd'hui, l'objectif est à 100 000… Pour Chérèque, si l'Etat veut atteindre ce chiffre, son budget annuel devrait alors être porté à 600 millions d'euros par an, contre 170 millions d'euros prévus pour 2015.
Depuis le début de son quinquennat, Hollande s'est montré sensible à ce sujet du service civique. Mi-2014, son gouvernement avait déjà décidé d'augmenter ses crédits de 100 millions sur trois ans (pour les porter à 221 millions en 2017), afin d'accueillir «60 000 jeunes». Et en novembre, lors de sa précédente conférence de presse, le chef de l'Etat avait ainsi souhaité «qu'on puisse aller vers un service universel», en soulignant le «besoin de cohésion dans notre pays». Hollande avait alors parlé d'un service d'une durée de «deux ou trois mois», restant «dans un premier temps» sur la base du volontariat mais où les jeunes ne seraient «pas indemnisés». Et s'il fallait le rendre obligatoire, il faudrait alors en passer par le référendum. De là à penser que les députés PS avec cette idée de «service républicain obligatoire» sont là pour sonder l'opinion…