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Libération
Décryptage

A Lunel, une «filière» jihado-humanitaire

publié le 1er février 2015 à 20h06

Au terme de leur garde à vue, les cinq hommes interpellés à Lunel (26 000 habitants, Hérault) et dans deux communes voisines ont été mis en examen et écroués samedi à Paris pour «association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste». Adil B., 36 ans, et Ali A., 44 ans, étaient récemment rentrés de Syrie où ils «sont soupçonnés d'avoir participé à des exactions», a indiqué à Libération une source proche de l'enquête. Jawad S., 28 ans, Saad B., 26 ans, et Hamza M., 26 ans, sont pour leur part suspectés «d'avoir apporté un soutien logistique» à des proches partis en Syrie au cours des derniers mois. Depuis novembre 2013, une vingtaine de Lunellois, parmi lesquels des couples avec enfants, ont rejoint la Syrie. Six y ont perdu la vie en octobre et en décembre.

La «filière» d’acheminement de Lunel est un condensé des réseaux d’envoi de jihadistes auxquels font face les services de renseignement. A Lunel, il s’agit au départ d’une bande d’amis dont les membres se connaissaient depuis l’adolescence. Leur «retour» à l’islam ou leur conversion s’est structuré au sein d’un groupe de prière en marge de la mosquée de Lunel. Ils rendent alors visite aux malades, se mobilisent pour des causes humanitaires (soutien à la Palestine, construction de puits au Mali…). Certains se retrouvent pour des retraites spirituelles dans les Cévennes. La situation en Syrie est un thème récurrent de leurs préoccupations, ils passent du temps sur les sites jihadistes - les vidéos et les images d’enfants syriens victimes de bombardements alimentent la propagande de l’EI. Les premiers départs pour la Syrie ont lieu. Les voyages sont parfois financés par des escroqueries aux crédits à la consommation.

Les premiers arrivés, comme Karim, 26 ans, qui gérait un bar à chicha de Lunel, s’efforcent alors d’organiser la venue de leurs copains. Transfert d’argent, itinéraires, mises en relation avec d’autres candidats au départ, parfois issus d’autres villes françaises, se font en ligne via Skype ou des applications plus sécurisées. C’est ce dont sont soupçonnés trois des cinq mis en examen.

Une grande partie de la tache des services de renseignement est d’analyser au plus juste ces activités pour déterminer les priorités dans leur lutte contre le phénomène jihadiste.