Eviter tout «effet pagaille». C'est l'explication officielle de l'Elysée pour justifier une organisation plus qu'au carré de la cinquième conférence de presse présidentielle jeudi. Une fois le propos liminaire de François Hollande passé, les questions étaient cette fois régentées : international d'abord, national après. Certains médias – 300 journalistes ont été accrédités, un nombre limité pour la première fois depuis 2012 – ont été priés de signaler s'ils voulaient interroger le chef de l'Etat et de préciser dans laquelle de ces deux catégories se rangeait leur demande. En septembre dernier, lors de la précédente conférence de presse de Hollande, des journalistes s'étaient empaillés au premier rang pour récupérer le micro. Et le président avait dû affronter un paquet de questions sur son ex-compagne, qui venait de sortir son livre Merci pour ce moment.
Principaux extraits de la conférence de presse:
A propos des attentats. «Là ou les extrémistes ont voulu diviser la France elle a fait bloc. […] La vigilance est portée à son niveau maximal. Une loi sur le renseignement est préparée, elle sera présentée en mars et votée avant l'été [..]. La République sera intraitable, implacable, irréprochable pour les libertés et le droit».
«Il y a une différence entre terrorisme intérieur et extérieur». Pas de réseau constitué mais «des inspirations». «Nous devons faire en sorte d’éviter [les départs de jihadistes français au Moyen Orient] et les mettre hors d’état de nuire.»
L'esprit du 11 janvier. «Au-delà du drame, ce qui m'a frappé dans ce qui s'est produit, c'est la capacité des Français à se lever pour autre chose que pour la recherche d'un intérêt, d'une protection, d'un financement. S'ils sont mobilisés sur l'essentiel, c'est qu'ils croient en leur pays.»
La laïcité. «La laïcité, ce sont des valeurs et des règles de droit. Elle n'est pas négociable. Elle doit se transmettre, s'apprendre. Ce sera fait dans l'école, tout au long de la scolarité obligatoire.»
«J’ai demandé à Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur, de travailler pour améliorer la représentativité du Conseil français du culte musulman, mais aussi de travailler à des questions précises: les aumôniers dans les prisons, la formation des imams... [...] Ce n’est pas l’Etat qui va organiser à la place du culte, mais l’Etat travaille avec le culte pour que soient respectées les lois de la République. Il n'est pas question de modifier la loi de 1905 (sur la laïcité).»
L'école. «Les enseignants sont ils bien formés à la transmission de la laïcité et des valeurs? Nous allons renforcer leur formation initiale en ce domaine, ainsi que sur l'histoire des religions et la gestion des incidents.»
«Notre responsabilité, c’est de promouvoir l’école de la République. De nouveaux moyens seront donnés à la lutte contre le décrochage scolaire, la formation des enseignants sera renforcée. […] Le numérique sera enseigné de l’élémentaire jusqu’à la terminale, avec des diplômes correspondants. Un plan sera présenté très prochainement.»
Le service civique. «Interrogé sur l'«apartheid» évoqué par son Premier ministre, le Président a répondu notamment par le service civique. «Il y a encore trop d'échecs : concentration des pauvres dans les mêmes lieux, chômage. […] Je propose un nouveau contrat civique, avec la mise en place d'un service universel pour les jeunes, la création d'une réserve citoyenne pour tous les Français, tous ceux qui veulent participer à l'élan collectif. [...] Ce que je propose aujourd'hui est un service civique universel», a-t-il rappelé, écartant à ce stade tout service civique obligatoire, réclamé par certains à l'UMP. Il a précisé lors de la conférence : «Tout jeune qui se présentera à partir du 1er juin de cette année pourra faire un service civique, ce qui va supposer de mettre toutes les collectités, toutes les associations, tous les ministères en capacité de proposer 150000 ou 160000 missions dans un délai particulièrement court, enfin qui peut s'étaler sur plusieurs mois».
Hollande a également annoncé que le service militaire adapté, un dispositif d’insertion via les armées pour l’heure seulement en vigueur en outre-mer, sera expérimenté en métropole avec la création de trois centres, a annoncé jeudi François Hollande.
«J’ai décidé qu’il y aurait également une expérimentation en métropole», a déclaré le président de la République lors de sa conférence de presse semestrielle. «Il y aura trois centres qui seront créés, nous verrons les lieux où nous pouvons les disposer, pour que nous puissions en tirer tous les enseignements et avoir les mêmes résultats» qu’outre-mer, où le SMA existe depuis des décennies.
Le président a également annoncé la création d’une Agence nationale pour le développement des territoires. «Nous devons faire en sorte que la loi SRU (qui prévoit un pourcentage de logements sociaux, ndlr) soit strictement appliquée, que les communes ne puissent s’en dégager. [...] Il faut mettre les bailleurs sociaux devant leurs responsabilités. [...] Les crédits des associations, qui ont été diminués, seront préservés et augmentés. [...] Je ne veux pas qu’on oppose les quartiers aux centres urbains. Il y a aussi des pauvres dans les centres urbains. [...] Nous serons bientôt le pays le plus peuplé d’Europe. Nous avons une formidable jeunesse, qui peut aussi avoir ses troubles, mais quand on a une démographie forte, il faut une politique en faveur de la jeunesse.»
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«La mission que je me suis donnée, c’est une mission d’unité, de réconciliation, pas autour de valeurs vides de sens mais autour de ce que doivent être les droits et les devoirs d’une jeunesse qui attend beaucoup de nous.»
Le chômage. «Si après cinq ans, un Président n'arrive pas à atteindre l'objectif qu'il s'est fixé, il ne peut être candidat à la responsabilité suprême. Mais je ne le fais pas pour cet objectif là. [...] Nous continuerons à simplifier, à créer de l'activité économique par la croissance verte».
Economie. «La France ne peut préserver son unité, tenir son rang, agir en Europe que si elle est forte économiquement. Nous devons faire preuve d'audace, de volonté, d'initiative. […] Pour cela, nous devons parvenir à un dialogue social rénové. […] Quand les discussions n'aboutissent pas, c'est à l'Etat de reprendre la main. Le Premier ministre réunira prochainement les partenaires sociaux.» […] «Sur l'économie, il y a des résultats, même s'ils sont encore trop fragiles pour être considérés comme suffisants. Plus d'audace, plus de réformes, le gouvernement doit montrer l'exemple.»
Démocratie participative. La démocratie associative doit aussi «être consolidée. C'est le cas dans les villes et les quartiers avec la mise en place de nouveaux lieux de concertation. [...] La défiance porte plus sur la parole politique que les institutions. La démocratie sociale doit changer. Des décisions seront prises (en concertation) avec les partenaires sociaux. Je suggère qu'il y ait des consultations plus fréquentes des populations.»
Institutions. «Il y a une responsabilité. Ce que je demande au gouvernement c'est d'être efficace. Et quelques fois de dépasser les contraintes administratives et la lourdeur des procédures. [...] Est-ce qu'on doit faire pendant plusieurs mois un débat sur un texte qu'on considère urgent ? [...] La réforme des institutions, c'est d'abord la réforme de ceux qui sont dans les institutions. Chaque fois qu'il y a une faute il faut une sanction. Ça vaut pour les ministres, pour les hauts fonctionnaires.»
«Je n’engagerai de réformes que si elles sont consensuelles sur les institutions. Je suis favorable au droit de vote des étrangers. Il ne tient qu’à l’opposition de participer à cette mesure. Pour l’instant elle s'y refuse.»
Gauche. «Est-ce que vous serez un président de gauche jusqu'à la fin ?», a interrogé Laurent Joffrin. «Mais je le suis depuis le début. Quand je fais en sorte qu'il y ait de la croissance, de l'emploi, je ne le fais pas pour être adoubé», répond le Président.
Questions internationales
Ukraine. «La paix est également menacée aux frontières de l'Europe.» François Hollande a annoncé qu'il se rendrait dès jeudi à Kiev avec Angela Merkel et qu'il se rendrait avec elle vendredi à Moscou. «Il y a des armes lourdes disposées en Ukraine, des tirs d'artillerie, des hôpitaux visés… On est passés en quelques mois d'un différend à un conflit, et du conflit à la guerre. [...] Là, nous sommes dans la guerre, une guerre qui peut être totale.» L'initiative franco-allemande n'a pas pour objectif «de parler», mais de «chercher un texte qui puisse être accepté par toutes les parties». «Si nous échouons, une hypothèse qui existe, on pourra dire que la France et l'Allemagne ont fait, en tant qu'Européens, tout ce qu'elles pouvaient faire pour agir.» […] « La France n'est pas favorable à ce que l'Ukraine entre dans l'alliance atlantique. »
Syrie-Irak. Au Moyen-Orient «nous avons un travail à faire en Irak, que nous faisons avec de plus en plus d'intensité. Le porte-avions Charles De Gaulle est sur zone.» […] «C'est en Irak que nous portons l'effort, car c'est en Irak qu'il y a un Etat, une armée, une souveraineté qui peut assurer la reconquête du territoire» […]
«En Syrie, il n'y a pas d'Etat. Un régime qui ne contrôle plus son territoire. Nous ne pouvons pas intervenir si c'est un facteur favorable pour le régime» qui massacre sa population «ou pour des groupes» qui veulent «notre perte». «Depuis deux ans, nous soutenons les forces démocratiques en Syrie, il y en a, même si elles n'ont pas toujours la force nécessaire.» […] «Nous avons pris nos responsabilités en aidant les Kurdes de Syrie à se défendre».
«L’Amérique fait son devoir en Syrie et en Irak, la Russie essaye de conseiller en Syrie (...) mais en Afrique nous devons faire plus pour agir contre le terrorisme» au risque de voir encore et toujours des Etats déstabilisés. «L’enjeu, il est mondial».
Grèce. «Je dois faire respecter aussi les règles européennes. Les règles c'est de chercher ensemble une solution, c'est ce que j'ai dit à Alexis Tsipras» […] «Je suis très attaché à la zone euro, mais l'austérité à tout jamais comme ligne d'horizon est néfaste.» […] «Si le gouvernement grec n'entendait pas rester dans la zone euro ou prenait des décisions contraires aux règles européennes, la question du soutien français se poserait.» «En ce qui concerne la Grèce, il faut faire en sorte d'avoir une politique de croissance à l'échelle de l'Europe.» «La décision de la BCE conduit nécessairement les Grecs et les Européens à se mettre autour de la table et à trouver un programme, ou autrement dit un cadre d'action.»
Ecologie. «Il faut construire une union européenne de l'énergie. Nous devons avoir des règles communes». « J'ai confiance», a dit François Hollande qui va se déplacer «partout dans le monde, à commencer par les Philippines, en février, avec Nicolas Hulot», son envoyé spécial sur le climat.
Retrouvez l'intégralité de la conférence dans le live de Libération ci-dessous.