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Libération
Désintox

Jean-Marie Le Pen s'emmêle sur les peines de prison non exécutées

Le président d'honneur du Front national prétend que 100 000 condamnés attendent toujours d'être incarcérés faute de places en prison. Ces peines non exécutées n'ont pourtant pas grand chose à avoir avec la surpopulation carcérale.
Jean-Marie Le Pen, le 17 janvier. (AFP)
publié le 6 février 2015 à 16h35
(mis à jour le 6 février 2015 à 18h54)
«Il y a 100 000 condamnés à la prison ferme qui ne peuvent pas rentrer en prison, parce qu’il n’y a pas de prison.»

Jean-Marie Le Pen, président d'honneur du Front national, le 5 février sur France Info.

INTOX. Au tour de Jean-Marie Le Pen : après Nicolas Sarkozy dès 2009, Nicolas Dupont-Aignan il y a quelques semaines, c'est aujourd'hui le président d'honneur du Front national qui ressort cette intox vivace des 100 000 peines de prison non exécutées faute de places. Interrogé sur France Info jeudi 5 février, Jean-Marie Le Pen préconisait de «mettre en prison» les jihadistes de retour de Syrie ou d'Irak. Problème : selon lui, c'est actuellement impossible, en raison de la surpopulation carcérale. Et d'argumenter qu'«il y a 100 000 condamnés à la prison ferme qui ne peuvent pas rentrer en prison, parce qu'il n'y a pas de prison

Revoir l'extrait à partir de 1'35'' :

DÉSINTOX. 100 000 délinquants qui gambadent dans la nature, faute de places de prison ? Jean-Marie Le Pen affabule. Certes, il y avait bien, selon les dernières données du ministère de la Justice, près de 100 000 peines de prison ferme non exécutées fin 2012 (99 600 exactement).

Mais contrairement à ce que prétend le président d'honneur du Front national, ce n'est pas la surpopulation carcérale, bien réelle, qui paralyse l'exécution de ces peines. Comme le rappelait Désintox en décembre, les peines les plus courtes mettent souvent plusieurs mois avant d'être effectivement appliquées. Un stock de condamnations en attente de traitement qui «ne doit pas être considéré comme un volume inerte de peines "jamais exécutées"», soulignait une étude du ministère de la Justice en novembre 2013, mais relève du cours normal de la procédure pénale. Le juge estime en effet souvent qu'il n'y a pas urgence à incarcérer le condamné : selon la chancellerie, un tiers seulement des peines d'emprisonnement ferme prononcées entraînent une incarcération le jour de l'audience. Dans ce cas, soit le prévenu est écroué à l'issue de sa comparution immédiate via un mandat de dépôt, soit il comparaît déjà détenu et est maintenu en détention après sa condamnation. Les 70 % des peines de prison restantes, les plus courtes, connaissent un délai de mise à exécution. Selon un rapport parlementaire de mai 2014, une peine sur deux est exécutée dans un délai de quatre à soixante mois, un cas extrême qui correspond au délai de prescription en matière correctionnelle.

Ces petites peines prennent plus longtemps à être traitées, car elles sont souvent susceptibles d'être aménagées. La plupart d'entre elles ne seront d'ailleurs jamais exécutées derrière les barreaux. Pour les peines inférieures à deux ans, la loi pénitentiaire de 2009 prévoit en effet la saisine d'un juge d'application des peines (JAP), qui peut décider d'un remplacement de la peine de prison par un aménagement de peine (travaux d'intérêt général, bracelet électronique, semi-liberté…). Une procédure qui peut durer plusieurs mois, en raison de l'engorgement des services de l'application des peines, qui manquent de personnel, pointait un rapport de 2009 de l'Inspection générale des services judiciaires sur les peines d'emprisonnement ferme en attente d'exécution.

D'autres facteurs peuvent enfin ralentir la mise à exécution des peines d'emprisonnement ferme, par exemple si le condamné doit être transféré vers une autre juridiction, ou qu'il ne répond pas aux convocations de la justice et qu'il doit être recherché par la police. L'absence du condamné à l'audience concernait, selon le ministère de la Justice, environ un quart des peines non exécutées en 2012.