En matière de bobards, il y a des fois où le plus frappant n'est pas le mensonge du politique lui-même que l'absence de réactions qu'il provoque chez les journalistes qui l'interrogent. Mercredi, sur l'antenne d'Europe 1, dans le club de la presse, Marion Maréchal-Le Pen a expliqué en quoi les nouvelles mesures de la loi antiterroriste adoptées à l'automne étaient réduites à néant par les dispositions de la loi Taubira adoptée à l'été. «Un nouveau délit nécessaire a été créé, qui est le délit d'entreprise individuelle terroriste. Le problème c'est que la peine est dérisoire parce qu'à partir de 2017, ça tombe intégralement dans la contrainte pénale, c'est-à-dire une peine hors les murs, un accompagnement socio-éducatif.»
Marion Maréchal-Le Pen nous explique donc tranquillou sur Europe 1 que tous les futurs condamnés pour entreprise terroriste individuelle purgeront à compter de 2017 leur peine hors des murs de la prison. Autour de la table, nul ne pipe mot. C'est pourtant parfaitement inepte. La contrainte pénale mise en place n'est en rien systématique, elle vient compléter la palette de sanction à disposition d'un tribunal, lequel continue évidemment à prononcer des peines de prison ferme, et se détermine notamment en fonction de la dangerosité du condamné. Nous avions expliqué ceci à de multiples reprises, et notamment ici à l'occasion d'une déclaration — identique mot pour mot — de Marion Maréchal-Le Pen, déjà. Mais ce n'est pas parce qu'elle — parmi d'autres — a déjà dit la même bêtise il y a trois mois qu'on ne doit pas s'étonner qu'elle puisse la répéter aujourd'hui sans qu'aucun des quatre journalistes présents ne la coupe pour lui dire qu'elle raconte n'importe quoi.
Au fond, on en arrive presque à comprendre pourquoi les politiques, ainsi installés en cruise control sur l'autoroute d'une interview avec siège chauffant et assurance de n'être pas dérangés, se permettent de tels dérapages. Et l'on en arrive à penser avec gratitude aux rares élus qui font le choix, d'eux-mêmes, de garder la tête hors du bourbier où on laisse barboter impunément leurs collègues. Loué soit ainsi le sénateur UMP Jean-René Lecerf d'avoir nagé à contre courant du flot d'intox de son camp et de droite sur ladite contrainte pénale. Que la norme soit le bobard et l'exception la simple honnêteté en dit long sur l'état pitoyable du débat public. Et on se dit parfois que la responsabilité se partage finalement assez équitablement entre les politiques et ceux qui les questionnent.