C'est un drôle de mélange, entre odeur de poudre et vent du boulet. Depuis un mois, Jean-Paul Huchon, président sortant de la région Ile-de-France briguant un quatrième mandat en dépit des statuts du PS qui l'interdisent, est remonté comme un coucou. Sans que l'on sache exactement quel est le carburant le plus efficace. Le combat électoral qui s'annonce - une primaire socialiste difficile avant de se retrouver face à une UMP de plus en plus enracinée ? La panique à l'idée de se faire écarter avant que tout commence ? Ou un peu des deux ? «Cet automne, on avait le Polochon qu'on connaît tous, le bon père de famille qui laisse tout faire et tout passer, concède un élu de son équipe. Là, il est carrément transformé.»
François Hollande en personne ayant demandé de suspendre toute manœuvre régionale en attendant les départementales de fin mars, c’est en souterrain que tout s’organise autour du président de la région la plus riche de France : réunion de ses proches (une vingtaine de poids lourds) tous les lundis et rédaction d’un appel à sa candidature qui devrait paraître dans les jours à venir. Ses partisans viennent de toute l’Ile-de-France, grande couronne comprise, assure l’équipe Huchon. Manière de renvoyer l’autre candidate PS déclarée, Marie-Pierre de La Gontrie, à son statut de Parisienne qui la disqualifie à leurs yeux.
Sillon
Ce lundi, le candidat Huchon, 69 ans en juillet, reçoit Manuel Valls pour signer le contrat de plan Etat-région. Ce déplacement en grande pompe fait dire aux pro-Huchon que le Premier ministre a très officiellement choisi son camp entre le président et sa première vice-présidente en charge des Finances, Marie-Pierre de La Gontrie. «Quand Valls a débarqué en short dans la vie politique, il y a trente ans de ça, il a été accueilli par trois mecs : Rocard, Colmou et Huchon. La loyauté, ça compte pour lui», assure un de ses proches. «Comme Abraham qui doit sacrifier un de ses fils, Manuel ne peut pas choisir», corrige un ténor francilien, rappelant que les principaux lieutenants du chef du gouvernement, Carlos Da Silva et Luc Carvounas, s'activent chacun dans un des camps adverses.
Depuis le début de l’année, Marie-Pierre de La Gontrie, ex-strauss-kahnienne reconvertie aubryste, creuse son sillon, engrangeant les soutiens de la puissante fédération parisienne du PS, de la maire de la capitale, Anne Hidalgo, et du secrétaire d’Etat aux Relations avec le Parlement, Jean-Marie Le Guen. Ces derniers jours, son credo en faveur du renouvellement et de la parité - une seule femme a été investie tête de liste régionale PS jusqu’à maintenant - s’est étoffé d’un plaidoyer proprimaire.
Agacement
Fin janvier, la désignation du candidat francilien a été repoussée au 9 avril. Depuis, une petite musique s'installe sur le danger, voire la faute stratégique, que constituerait cette consultation interne, pourtant prévue dans les statuts. Huchon lui-même a jugé qu'il n'était «pas normal qu'il y ait deux candidats». Un agacement qui trouve peut-être son origine dans un sondage Ifop commandé par la tête de liste UMP, Valérie Pécresse. L'étude, qui porte sur le premier tour, donne Huchon et La Gontrie à quasi-égalité face à la droite : Pécresse y est créditée de 23% des suffrages dans les deux cas, le FN de 19%. Huchon réunirait 21% des électeurs, contre 20% pour La Gontrie. Après dix-sept ans de règne, on est très loin du plébiscite pour le président sortant. «La notoriété ne fonctionne plus, voire c'est un problème», théorise un partisan de son opposante. «Il y a une mécanique en faveur de La Gontrie», reconnaît-on dans l'équipe Huchon. «Le vrai sujet ce n'est pas Marie-Pierre, mais Valérie Pécresse», s'énerve Carlos Da Silva, député de l'Essonne et cheville ouvrière de la campagne Huchon. «Les primaires sont légitimes partout, même en cas de président sortant, comme en Aquitaine», contre-attaque La Gontrie. Arithmétiquement, qu'elle soit soutenue par l'énorme fédération de Paris lui donne un avantage difficile à contrer. Mais l'activisme des autres fédérations départementales laisse augurer d'un scrutin délicat. «Personne ne peut gagner à 80%-20%, donc le gagnant sortira affaibli», s'inquiète un poids lourd.
La droite s'amuse de ce climat interne et fait courir le bruit d'un éventuel candidat de consensus. Les hypothèses les plus farfelues circulent, de la ministre de l'Education, Najat Vallaud-Belkacem, au ministre de l'Economie, Emmanuel Macron. A la direction du PS, la formule officielle préconise «une solution efficace et élégante». En termes socialistes, cela revient à débrancher l'un des deux candidats. On parle de la présidence du Conseil économique, social et environnemental pour Huchon mais, jure un de ses lieutenants, «vous pouvez lui proposer d'être numéro 2 du gouvernement, il ira jusqu'au bout».