«C'est un projet de loi à l'origine simple et clair», affirmait Marylise Lebranchu, ministre de la Décentralisation, la semaine dernière, quand la commission des lois de l'Assemblée a commencé à examiner son texte baptisé «Notre» (nouvelle organisation territoriale de la République). Mais un passage par le Sénat plus tard, le projet est bien moins simple et bien moins clair. Tel que le gouvernement l'avait bâti, le projet de loi, discuté en séance à partir de ce mardi à l'Assemblée, visait à spécialiser les nouvelles régions sur la stratégie économique et à créer de vastes intercommunalités, d'au moins 20 000 habitants. Côté départements, il entérinait leur maintien dans les zones rurales mais là aussi, avec une spécialisation sur le social. Initialement, les départements devaient perdre la construction et l'entretien des collèges au profit des régions. Toutefois, les assemblées des départements et des régions ayant topé pour le statu quo, le gouvernement a accepté de ne pas y toucher.
Le texte prévoyait également de transférer la voirie départementale, les transports routiers interurbains et les transports scolaires aux régions. Mais là encore, le passage par le Sénat, qui intervient toujours en premier sur les projets concernant les collectivités locales, a mis à bas les intentions gouvernementales. «Le Sénat a singulièrement modifié l'économie générale du texte», a déploré Marylise Lebranchu. «Nous voyons bien combien les différents niveaux de collectivités résistent à la spécialisation des compétences», a renchéri Olivier Dussopt, le rapporteur PS du texte. Qui a ajouté que la commission allait «retrouver les objectifs initiaux du gouvernement».
Gros travail. Le Sénat, qui a examiné le texte entre décembre et janvier, a systématiquement raboté les compétences économiques des régions, leur refusant même de devenir chefs de file en matière de tourisme. Il a également supprimé le seuil de 20 000 habitants pour les intercommunalités et le transfert de la voirie aux régions. «Ce texte n'est plus celui du gouvernement», avait alors trompeté Bruno Retailleau, président du groupe UMP au Sénat. En commission des lois de l'Assemblée, ce détricotage sénatorial a été détricoté à son tour. Mais la philosophie initiale peine à refaire surface. Le gouvernement rêvait de grandes régions fortes sur la stratégie économique, d'intercommunalités puissantes, avec des élus issus du suffrage universel direct, capables de se fédérer et mutualiser des politiques avec la région. On en est loin. Troisième volet de la réforme territoriale après la loi métropoles et le redécoupage des régions, la loi Notre sera finalisée après les élections départementales de mars.