Le temps passe très vite en politique. Qui se souvient qu’il y a six mois, Benoît Hamon est passé du soutien indéfectible au Premier ministre à la menace de voter contre un texte du gouvernement ? Avec le risque de le faire chuter pour la première fois depuis 2012. De Frangy-en-Bresse au Palais-Bourbon, retour sur le parcours récent de l’un des chefs de file de l’aile gauche socialiste.
Le 24 août à Frangy : «Arnaud et moi ne sommes pas loin des frondeurs»
Ministre de l'Education nationale depuis l'arrivée de Manuel Valls à Matignon, il est l'invité d'Arnaud Montebourg à la traditionnelle Fête de la rose du PS de Frangy-en-Bresse (Saône-et-Loire). En cette fin d'été, son collègue de l'Economie et du Redressement productif a déjà été très dur contre la politique économique de ce gouvernement dans une interview au Monde. Hamon embraie : «Arnaud et moi ne sommes pas loin des "frondeurs"», affirme-t-il dans le Parisien. Avant d'adoucir le propos : «Mais notre problème n'est pas d'en prendre la tête. Notre volonté est d'être au service d'un rassemblement de la gauche et de peser au sein du gouvernement.» Hamon n'est pas sur le départ. Mais Montebourg poursuit sur sa lancée dans son discours à Frangy. C'est trop pour Valls et François Hollande. Le lendemain, le gouvernement démissionne. Hamon refuse de se désolidariser de Montebourg. «Je ne participerai pas au nouveau gouvernement de Manuel Valls, déclare-il sur France 2. Nous avons été élus il y a deux ans et demi pour améliorer la situation de nos compatriotes. Or aujourd'hui, la rigueur budgétaire telle qu'elle est mise en œuvre ne nous permet pas d'atteindre ces objectifs.» Début de sa nouvelle vie dans ce quinquennat.
Le 30 août à La Rochelle : «On peut aussi échouer parce qu’on n’a pas tenté»
Moins d'une semaine après Frangy, les socialistes font leur grande rentrée à La Rochelle, lors de leur université d'été. On attend Hamon. Il fait profil bas. Un petit tour à la réunion de son courant, Un monde d'avance, mais pas à celle du nouveau collectif fondé par les députés frondeurs, Vive la gauche, qui accueille Christiane Taubira. L'ex-ministre se contente d'une intervention dans une table ronde sur l'éducation, mais termine sur une note politique : «On peut échouer. Mais on peut échouer parce qu'on a été empêché, parce qu'on a été entravé […]. Mais on peut aussi échouer parce qu'on n'a pas tenté. Rien n'est perdu.»
Le 2 octobre dans «Libération» : «N’ayons pas la gauche honteuse»
Le néodéputé des Yvelines a pris le large. Un temps, il a «coupé» sur une petite île bretonne sans réseau, s'est laissé pousser la barbe, puis se l'est rasée avant de faire sa rentrée à l'Assemblée nationale. Hamon donne sa première interview dans Libération et repart à l'offensive. Mesurée tout de même : «Mon départ du gouvernement ne signifie pas que je sois entré dans l'opposition. Je suis socialiste, au cœur de la majorité.» Pas question de la jouer à la Mélenchon, mais il prévient : «Chacun connaît mes convictions, et je les porterai. Je veux rassembler. Je parle avec qui je veux, et mon agenda et mes futurs votes m'appartiennent.» Au rassemblement de son courant à Vieux-Boucau (Landes) quelques jours après, Hamon reste modéré, mais ne cache plus ses ambitions pour le prochain congrès du PS.
Le 22 octobre sur RFI : la politique du gouvernement «menace la République»
Il vient de s'abstenir sur la partie recettes du budget 2015 avec d'autres camarades. Il s'en explique un matin sur RFI. La politique du gouvernement, dit-il, «parce qu'elle réduit les capacités d'intervention de la puissance publique», «menace la République». «Et la menace de la République, c'est la préparation tout droit, comme on s'y prépare pour 2017, d'un immense désastre démocratique», poursuit-il, soit «non seulement l'arrivée au second tour de la présidentielle de Marine Le Pen sans coup férir, mais en plus la menace que, demain, elle dirige le pays.» Boum ! En deux phrases, Hamon vient de déclencher un incendie dans les rangs socialistes. Sur RMC et BFM TV, le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll, juge qu'il serait «cohérent» que son camarade «quitte le Parti socialiste». Il n'en est pas question pour Hamon : «Je ne vais pas quitter le PS.»
Ce 17 février sur France Inter : «En conviction, aujourd’hui, je vote contre la loi Macron»
Depuis l'épisode de la «menace», Benoît Hamon avait remis la pédale douce. Il fait partie des députés engagés dans la reconnaissance de la Palestine par l'Assemblée nationale, part faire le tour des fédérations socialistes et participe un peu partout en France à des réunions de Vive la gauche. Tout juste se permet-il une émission commune avec Jean-Luc Mélenchon (Parti de gauche) et Cécile Duflot (Europe Ecologie-les Verts) sur France 2. Sans esclandre. Jusqu'au débat sur la loi Macron.
De l'abstention annoncée, le député des Yvelines est passé au vote contre. Une lettre envoyée à ses collègues députés, puis un défi lancé au Premier ministre ce mardi matin sur France Inter : «En conscience, j'ai accepté d'être au gouvernement, notamment celui de Manuel Valls, parce que je croyais qu'il fallait restaurer l'autorité de la puissance publique, affirme-t-il. Je l'ai quitté parce que j'avais un désaccord sur les questions économiques. Je me suis abstenu sur le budget parce que je pensais que nous prenions le risque justement de diminuer la capacité de l'Etat à pouvoir réguler l'ordre économique. Pour la même raison, en conviction, aujourd'hui, je vote contre la loi Macron.» A Valls, il se défend d'être dans la «posture» et rappelle ses convictions. Ce mardi matin, devant le groupe socialiste à l'Assemblée, il a pris la parole avant le chef du gouvernement. En première ligne de cette nouvelle fronde.