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Libération
Interview

Yves Jégo: «Manuel Valls évite le pire»

Yves Jégo Député de Seine-et-Marne
publié le 17 février 2015 à 20h56

Le député Yves Jégo, qui aurait pu approuver la loi Macron, voit dans le recours au 49.3 «une fragilisation de la majorité», mais aussi «une habileté» de Manuel Valls.

Que pensez-vous du passage en force du gouvernement ?

C’est le signe évident d’une fragilisation de la majorité, qui n’arrive pas à faire adopter un texte phare du gouvernement. Mais c’est aussi, paradoxalement, une habileté du Premier ministre, qui évite ce qui aurait sans doute pu lui arriver de pire : que sa loi soit votée grâce aux voix de la droite. A un mois des départementales, une telle situation aurait hystérisé la gauche : il faut rappeler que dans de très nombreux cantons, un candidat soutenu par EE-LV et le Front de gauche affronte un socialiste. En empêchant le vote sur la loi Macron, il remet de la gauche dans la gauche et de la droite dans la droite.

Mais l’usage du 49.3 ne plonge-t-il pas également le gouvernement dans une crise politique ?

La motion de censure ne passera pas et Valls piège ses opposants internes en leur posant une question de vérité : il faut un dixième de l’Assemblée pour déposer une motion de censure, qu’ils prennent leurs responsabilités ! Ils sortiront émasculés de cet épisode car ils ne censureront pas le gouvernement. Sa loi Macron votée, des frondeurs muselés, un clivage droite-gauche retrouvé et un Premier ministre qui fait preuve d’autorité : Manuel Valls ne s’en sort pas mal ! Et dans la France profonde, pensez-vous que la subtilité du jeu du 49.3 apparaisse comme un événement marquant ?

Pourquoi la droite et le centre n’ont-ils pas pu trouver un terrain d’entente avec le gouvernement sur ce texte de teneur pourtant libérale ?

Le Premier ministre n’a donné aucun signe montrant qu’il voulait aller vers une nouvelle alliance sur ce texte. Les demandes des députés UDI ont été peu entendues, sur le permis de conduire par exemple. Il y a eu effectivement, au sein de l’UDI, un débat entre ceux qui défendaient une position d’intérêt économique et qui comptaient s’abstenir ou votaient pour, et ceux qui optaient pour une position purement politique et ne voulaient pas passer pour les supplétifs du PS. Pour ma part, j’étais notamment favorable aux protections pour les métiers du bâtiment, à la libéralisation de l’ouverture des commerces le dimanche, ainsi qu’à la réforme prud’homale. Cet épisode souligne aussi que l’opposition n’a pas su moderniser son discours et s’enferme dans une logique d’opposition systématique. L’archaïsme se trouve des deux côtés.