Sur la base aérienne 125 d’Istres, le vrombissement des avions de chasse au décollage s’est tu le temps d’un discours présidentiel. François Hollande était, jeudi, sur ce site clé des forces aériennes stratégiques pour la figure imposée de tout mandat présidentiel : la réaffirmation de la doctrine de la France en matière de dissuasion nucléaire.
Le président de la République est la seule autorité en France à détenir le pouvoir de déclencher le feu nucléaire. En ce domaine, aucune surprise. Dès son arrivée à l'Elysée, François Hollande s'était inscrit dans la droite ligne de ses prédécesseurs. En juin 2012, il avait embarqué en plongée dans un sous-marin nucléaire lanceur d'engins (SNLE) pour bien montrer que la dissuasion était et reste «un élément clé de notre sécurité», destinée à protéger les intérêts vitaux de la France. Même si le contexte géostratégique a changé depuis la mise en place de la force nucléaire en 1958. En 2012, Michel Rocard avait purement et simplement supprimé cet élément clé de la défense afin de réduire le déficit budgétaire de la France. Jeudi, le chef de l'Etat, également chef des armées, a donc réaffirmé que, dans un contexte international tendu, «le temps de la dissuasion nucléaire n'est pas dépassé». «La réapparition d'une menace étatique majeure pour notre pays ne peut être exclue. Ce contexte international n'autorise aucune faiblesse. Le temps de la dissuasion nucléaire n'est pas dépassé. Il ne saurait être question de baisser la garde.» Pas plus que la France ne participera «aux mécanismes de planification nucléaire de l'Otan». Un principe d'indépendance sur lequel le Président n'entend absolument pas revenir.
Nouvelles menaces. Alors que certains s'interrogent sur la nécessité de maintenir une force de dissuasion héritée de la guerre froide et du pacte de Varsovie souvent jugée disproportionnée, onéreuse et peu adaptée aux nouvelles menaces, le chef de l'Etat a «décidé de maintenir une composante océanique et une composante aéroportée, souple et réactive. Leur complémentarité permet au chef de l'Etat de disposer de la gamme d'options nécessaire et suffisante et de ne pas être tributaire d'un seul type de moyens».
Surtout François Hollande a bien précisé que, dans le cadre actuel de la loi de programmation militaire (LPM), l'effort d'adaptation et de modernisation des armements et des moyens serait poursuivi afin de maintenir leur «crédibilité, leur fiabilité et leur autonomie». Avec notamment l'adaptation des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins au nouveau missile M51, la mise en service de la nouvelle tête nucléaire océanique à partir de 2016 et le remplacement des Mirage 2000 N arrivés en fin de carrière par des Rafale. Des études sont également lancées afin de remplacer les missiles actuellement embarqués sur les avions. Le tout dans un cadre budgétaire sanctuarisé.
Transparence. La dissuasion nucléaire, avec 3,5 milliards d'euros, pèse pour 11% dans le budget de la Défense. La France dispose d'un peu moins de 300 têtes nucléaires. Et pour la première fois, un président en exercice vient de lever le voile sur leur répartition. Un secret jusqu'à présent hautement classifié. «La France dispose de trois lots de 16 missiles portés par sous-marins et de 54 vecteurs air sol moyenne portée», a-t-il déclaré. Une volonté de transparence alors que va se tenir du 27 avril au 22 mai, la conférence de révision du traité de non-prolifération à New York. Pour François Hollande, le changement en matière de dissuasion nucléaire ce n'est ni pour maintenant ni pour demain.