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Les gens

Hollande «condamne» l'initiative des élus auprès d'Al-Assad

Quatre parlementaires ont rencontré le président syrien. Le chef de l'Etat a précisé qu'il n'était «pas au courant» de cette visite dans une «dictature».
Le député (UMP) des Yvelines, Jacques Myard, à l'Assemblée, en octobre 2013. (Photo Kenzo Tribouillard. AFP)
publié le 25 février 2015 à 18h26
(mis à jour le 26 février 2015 à 14h15)

C'est une première depuis la rupture des liens diplomatiques entre Paris et Damas en mai 2012. Et une «mission personnelle» que ne semble pas avoir appréciée le Quai d'Orsay. Quatre parlementaires français se sont rendus dans la capitale syrienne mardi et mercredi, pour une visite montée dans le plus grand secret depuis plusieurs semaines. Il s'agit du député (UMP) Jacques Myard, du patron du groupe UDI au Sénat, François Zocchetto, de Jean-Pierre Vial, président du groupe d'amitié France-Syrie au Sénat, mais aussi de son homologue à l'Assemblée, le socialiste Gérard Bapt.

«Le diable dit des choses intelligentes»

Ils se sont entretenus mercredi matin avec Bachar al-Assad, ainsi qu'avec d'autres responsables du régime. «On a eu des échanges importants avec le président syrien durant plus d'une heure», raconte, sans en livrer le contenu, Jacques Myard joint par Libération alors qu'il s'apprêtait à franchir la frontière libano-syrienne. Sans s'embarrasser de la ligne diplomatique officielle qui a consisté à couper les ponts avec le dictateur un an après le début de la guerre civile. Depuis plusieurs mois et la progression de l'Etat islamique, «nous sommes un certain nombre, à droite comme à gauche, à penser que l'on se trompe de politique. On nous dit qu'il ne faut pas parler avec le diable, avec ceux qui ont du sang sur les mains ? Cela fait pas mal de monde et moi je trouve que le diable dit des choses intelligentes», rétorque l'élu UMP des Yvelines qui s'était démené contre l'idée d'une intervention en Syrie. Myard, qui devait rentrer en France jeudi, assure «avoir informé qui devait l'être» de sa virée et ajoute que le quatuor a «tout payé de sa poche».

L'exécutif a tenu, lui, à se démarquer de cette pérégrination syrienne qui, rappelle le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll, ne relève «pas d'une initiative officielle». Et le porte-parole des Affaires étrangères avait évoqué lundi une «initiative de parlementaires qui, conformément au principe de séparation des pouvoirs, n'a pas été décidée en concertation» avec Laurent Fabius.

Une «faute morale» pour Valls

Jeudi, sur BFM TV, le Premier ministre, Manuel Valls, a lui aussi insisté dans ce sens, qualifiant de «faute morale» ce déplacement. «Je veux condamner avec la plus grande vigueur cette initiative», a-t-il dit. Sur RTL, le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, a pour sa part annoncé que le député socialiste Gérard Bapt, qui faisait partie des quatre parlementaires français à s'être rendus en Syrie, serait convoqué et sanctionné.

Depuis Manille, où il est en déplacement, François Hollande a affirmé : «Cette initiative, je la condamne. Il s'agit d'une rencontre entre des parlementaires français, qui n'ont été mandatés que par eux-mêmes, et une dictature qui a bombardé son propre peuple. Et qui a utilisé l'arme chimique pour détruire des vies humaines. […] Il y a d'autres façons d'aider la Syrie.» Le chef de l'Etat a ajouté : «Je n'étais pas au courant [de ce voyage] et je n'avais pas à l'être. Je suis chef de l'Etat, pas chef de parti. Que les responsables de partis prennent des décisions qui s'imposent, je ne peux que les encourager.»

Le président de l'UMP, Nicolas Sarkozy, a lui aussi réagi, qualifiant les parlementaires de «gugusses», et précisant qu'il n'aurait pas fait ce voyage. En marge d'une visite à l'hôpital Necker à Paris, l'ex-chef de l'Etat a affirmé: «Moi, personnellement, je n'y serais pas allé. Mais dans une démocratie, on ne peut pas empêcher quatre gugusses de faire ce qu'ils veulent». L'UMP va-t-elle prendre des sanctions contre les deux élus UMP faisant parti du quatuor ? Sarkozy a haussé les épaules, signifiant que non.