Les défaites électorales passent, les déceptions gouvernementales s'empilent mais certains militants socialistes bougent toujours. Ils participent aux réunions, tractent sous la pluie ou le soleil, et multiplient les porte-à-porte pour retrouver la victoire dans les urnes. Les échéances approchent et la présidentielle de 2017 est déjà en ligne de mire. A un mois des élections départementales (22 et 29 mars) et trois de leur 77e congrès à Poitiers (du 5 au 7 juin), Libération a choisi de suivre sur la durée deux sections socialistes: celle d'Amiens Nord, baptisée «François Mitterrand», et celle des Andelys, dans l'Eure. Aujourd'hui, le lancement de la campagne pour les départementales à Amiens.
Rainneville (Somme), petite commune de 800 habitants au nord d'Amiens. La nuit s'approche lentement, les rues sonnent creux et le froid pique la peau. Entre la mairie et le stade de foot on tombe sur la salle polyvalente municipale. A l'intérieur, quelques âmes s'agitent. Dans quelques minutes les candidats du Parti socialiste pour les élections départementales du 22 et 29 mars, Francis Lec et Zohra Darras, lancent la campagne dans le canton Amiens 2 (Amiens Nord - Villers-Bocage). Francis Lec, candidat sortant, élu depuis 30 ans, figure emblématique du coin nous présente Zohra Darras «sa diversité» et se tient debout à l'entrée pour accueillir les sympathisants et curieux. 18 heures 30. La petite salle affiche plus que complet avec près de 100 personnes. La soirée débute et premier couac: le micro ne fonctionne pas. Il n'était pas indispensable.
Christian Manable, président du conseil général de la Somme, sénateur et suppléant du duo PS, est le premier à s'exprimer. Il vante son bilan, celui de Francis Lec, casse la droite et son extrême. Puis, il rappelle que, chose rare, la gauche est unie autour de Lec et Darras. Le PS se présente avec les communistes, les Verts et le Parti radical de gauche. Les minutes passent. Manable cause du rôle du département (collèges, routes, santé, emploi…) et au bout d'une longue heure, il se réinstalle. Le sénateur a utilisé plus de la moitié du temps de parole. Ensuite c'est au tour «des filles». Aurélie Devauchelle, l'autre suppléante, et Zohra Darras, l'autre candidate, sont moins prolixes. Elles se présentent au public. Aurélie Devauchelle est «maman» d'un petit garçon, attend un second enfant et «recherche un emploi». Zohra Darras est en France depuis 1974. Elle est née au Maroc, mariée à un Picard «de souche». La mère de deux enfants est médiatrice dans les quartiers Nord d'Amiens. C'est la première fois qu'elles se présentent à une élection.
«Les gens me parlent du quotidien, pas du 49.3»
Francis Lec prend la parole en dernier. Le candidat fait dans l'humour avant de prendre un air sérieux pour rappeler quelques-unes de ses 45 mesures: «Le maintien de la gratuité des transports scolaires pour les collégiens», «installer une antenne de la maison des ados à l'Atrium pour faciliter la prise en charge des jeunes en difficulté et accompagner les parents» ou la «création de 150 emplois d'avenir par le département au profit du monde associatif». Après les mots, de la boisson et des chips pour tout le monde. Nana, une habitante d'Amiens Nord est venue après le travail avec son mari pour «soutenir» les candidats: «C'est important, surtout en ce moment avec tous les problèmes en France. Depuis que Monsieur Lec en poste tout n'est pas parfait mais le bilan est positif donc il faut encore voter pour lui.» Un couple de retraité de Rainneville a «décidé» de venir après avoir reçu un tract dans leur boîte à lettres. Ils ne sont pas déçus. Lui: «C'était très intéressant, cela nous permet de comprendre l'utilité du département.» Elle acquiesce.
Au milieu des gobelets, Francis Lec gambade. Il serre des pinces, sourit. On lui demande si la politique du gouvernement peut lui porter préjudice ou pas. Il réfléchit. Puis: «Non, ici les gens me connaissent donc ils votent pour moi, pas pour François Hollande même si on a la même étiquette. Et lorsque je fais du porte-à-porte ou les marchés, ils me parlent du quotidien, de la vie de tous les jours pas du 49.3. Le seul risque qui existe c'est en cas d'erreur du gouvernement quelques jours avant le scrutin. L'électeur qui comptait voter pour moi peut rester chez lui et faire grimper l'abstention.»
Mais il prévient les «politiciens de la capitale»: «Ils devraient quand même consulter plus souvent les élus de terrain s'ils veulent rester en contact avec les gens et répondre à leurs difficultés…» De l'autre côté de la salle, Zohra Darras pose sous les flashs avec ses amies:«fière» de mener sa première campagne. Francis Lec observe le tout derrière ses lunettes et conclut: «Pour un début de campagne, on ne pouvait pas rêver mieux.»