«Je voterai pour le Front national au premier tour. Je suis toujours socialiste, mais plus comme avant. Je suis déçu des socialistes. Ils promettent, et ils ne font rien. Ils sont au pouvoir, et pourtant c’est toujours le même topo que sous la droite. Depuis que François Hollande est devenu président, le social, c’est zéro. Hollande avait dit que son adversaire c’était la finance, mais c’était que des paroles. Il en fait plus pour les riches que pour les pauvres. Il fait une politique pour les rupins. Je préférais le temps de François Mitterrand et de Pierre Mauroy, mon gros Quinquin comme je l’appelle.
«A cette époque, j'étais un vrai militant, encarté, comme mes parents. Pour un ouvrier, c'était normal d'être socialiste. Avec ma mère, on faisait du porte à porte, on mettait des affiches. Chaque année, en juin, j'allais à la fête champêtre des socialistes à Phalempin, un barbecue géant, avec des boissons, de la musique. On discutait avec les élus. Ça n'existe plus. Il n'y a plus cette chaleur humaine. Dans le quartier où j'ai grandi, il y avait une ducasse [une fête foraine en ch'ti, ndlr]. Maintenant, on dirait un village mort. Martine Aubry, elle n'y va jamais. Il faudrait qu'elle passe une fois de temps en temps, qu'elle rencontre les gens plutôt que de les abandonner. Aller à la rencontre des gens, c'est le principe de la politique, sinon ça sert à rien. Mauroy, il nous serrait la main, il parlait avec nous. Il était vraiment pour les ouvriers. On ne le tutoyait pas, parce que c'était une personnalité, mais il était simple. J'étais fier qu'il soit Premier ministre en 1981.
«Le Parti socialiste, ça ne me dit plus rien. Je n'ai pas repris ma carte. Depuis deux ou trois ans, c'est terminé. Les élus, je les connais, je les aime encore bien. Bernard Roman [député de la 1re circonscription du Nord, ndlr], je le tutoie, Patrick Kanner [ministre de la Ville et candidat dans le canton où vit Gérard (1), ndlr] aussi. Au deuxième tour, je voterai peut-être pour lui, on verra. Martine Aubry, par contre, je sais pas la piffer. Pourquoi c'est elle qui est devenue maire de Lille ? C'était Bernard Roman qui devait prendre la suite, mais Pierre Mauroy l'a choisie, elle, parce qu'elle est plus connue à Paris, et parce qu'elle est la fille de Jacques Delors. Je lui parle pas, elle m'intéresse pas.
«Un jour, il y a quelques années, Martine Aubry rencontrait des employés municipaux, à la mairie, j’étais là. Elle a serré la main d’un Arabe à côté de moi. Elle lui a parlé, et elle ne m’a pas serré la main. Elle s’en foutait. Je dis ça sans racisme, pas de problème, j’ai des amis arabes, mais je suis sincère, ça m’a pas plu.
«Je vais voter Front national, parce que Marine Le Pen, elle dit bien les choses, et elle est plus sociale que le PS. Je ne dis pas ça par racisme, mais j’ai l’impression qu’il faut s’appeler Mohammed ou Belkacem pour trouver du travail maintenant. Il y en a plus pour les Arabes alors que nous, on est Lillois depuis toujours. Ça fait mal au cœur.
«Je travaille à la mairie depuis trente-cinq ans, et je n’arrive pas à y faire entrer ma sœur et mes frères. J’ai été embauché par un coup de piston, grâce à mes parents. A l’époque, le Parti était vraiment socialiste. La vie change. Mon bulletin FN, c’est un bulletin de colère, mais sans plus. Je le fais pour persuader les socialistes qu’ils doivent agir. Ils doivent revenir au Parti socialiste du temps de Pierre Mauroy et de Mitterrand, quand c’était chaleureux. Marine Le Pen, si elle avait le pouvoir, ce serait un désastre. Pourquoi ce serait un désastre ? Je n’en sais rien. Je ne m’y connais pas assez pour le dire. De toute façon, elle ne passera jamais, c’est sûr.»
(1) Le prénom a été modifié