Nicolas Sarkozy doit une fière chandelle aux sondages. A force de marteler que le Front national allait recueillir jusqu’à 30% des suffrages, ils ont laissé s’installer l’idée que le parti de Marine Le Pen confirmerait son rang de premier parti de France, atteint après les européennes de 2014.
Avec près de 35%, selon les estimations, l’alliance UMP-UDI (avec les candidats étiquetés divers droite) est très nettement devant le FN, autour de 25%. Sarkozy échappe donc au scénario d’une extrême droite en constante progression. Une catastrophe qui justifiait son retour, lui qui expliquait qu’il était le seul capable de mettre sa famille politique à l’abri d’un second tour Hollande-Le Pen en 2017.
Indignation. Pour autant, le score de la droite républicaine est loin d'être mirobolant. Les élections intermédiaires sont traditionnellement favorables à l'opposition. C'est ainsi qu'aux cantonales de 2011, la gauche et ses alliés totalisaient près de 40% des suffrages (sans compter le Front de gauche à 9%). La droite et ses alliés centristes recueillaient 31% des suffrages, leur plus mauvais score depuis le début de la Ve République.
En progrès de 5 points par rapport à 2011, la droite n’a donc pas de quoi pavoiser. Mais le pire est évité. Et l’aventure peut continuer pour Sarkozy, dont la stratégie de premier tour se trouve partiellement validée. En se prononçant, à quelques jours du scrutin, contre la distribution de menus de substitution sans porc dans les cantines scolaires, l’ex-président a délibérément chassé sur les terres de l’extrême droite, sans craindre de provoquer l’indignation de nombreux responsables de l’UMP.
Dans son intervention télévisée, il a confirmé, dès 20 heures, qu'il n'y aurait «aucun accord» avec le Front national - ce «parti d'extrême gauche» - au second tour des départementales, dimanche prochain. Il a par ailleurs maintenu la stratégie du «ni-ni» partout où la gauche se retrouvera seule face au FN. «Les conditions d'un basculement massif sont réunies dans un grand nombre de départements», veut croire l'ancien chef de l'Etat.
«Razzia». Dimanche prochain, l'UMP espère gagner au minimum 20 départements, installant ainsi sa domination sur 60% du territoire. Cette performance n'aurait rien d'extraordinaire. Ce serait un retour à la normale : jusqu'en 2004, la droite a toujours été largement majoritaire dans la France des départements.
En confidence, tous les dirigeants de l’UMP, y compris Sarkozy, espéraient pour le 29 mars une «razzia» qui n’aurait laissé qu’une quinzaine de départements à la gauche. Ce n’est pas gagné.
Ils comptaient sur le FN pour éliminer le PS dans la moitié des 2 000 cantons. Ce n'est le cas que dans 500 cantons. «Ce n'est pas un résultat flambant : la gauche reste plus forte que prévu et le FN reste très haut dans les zones rurales», confie à Libération un ancien ministre UMP. Conséquence de ce scénario imprévu : le PS sera souvent en mesure de se maintenir. Dans des cantons promis à la droite, il y aura plus de triangulaires FN-UMP-PS que prévu. Une configuration qui, dans certains cas, pourrait profiter à la gauche et déjouer les optimistes pronostics de la droite. Chaque fois qu'ils seront en troisième position, les socialistes devraient se désister, assurant la victoire de l'UMP grâce au front républicain. Voilà qui promet une campagne d'entre-deux-tours animée. Tandis que Manuel Valls en appelle au sursaut de «tous les républicains», Sarkozy restera cramponné à un ni-ni… que certains candidats UMP devraient refuser.