Avec 26,2% des voix, le FN perd le titre de «premier parti de France», revendiqué depuis les dernières élections européennes ; il n'en réalise pas moins une performance historique pour un scrutin départemental. Ces constats sont les deux faces d'une même pièce, que les frontistes et leurs adversaires ont passé la soirée à retourner sur les plateaux de télévision. Le premier met fin à un élément de communication usé jusqu'à la corde par le parti lepéniste depuis un an. «Premier parti de France», cela donnait matière à de fort belles affiches. C'était surtout se poser, devant l'UMP, en «premier parti de l'opposition». Et ainsi mettre en scène l'inversion des rapports de force à droite, poser le FN comme le plus apte à contester le pouvoir au PS en 2017. Bien qu'il ait dénoncé le mode de comptabilité des résultats, le FN devra désormais faire sans cette étiquette - au moins jusqu'aux élections régionales à venir. Signe de l'importance symbolique de ce revers : c'est en le soulignant que Manuel Valls a débuté son allocution, dimanche soir. Quant aux représentants de l'UMP, ils n'ont eu de cesse de se poser en seuls dépositaires d'une future «alternance».
Débouché. L'autre aspect de ces résultats est évidemment plus flatteur pour le FN. Marine Le Pen n'a pas eu tort d'évoquer un «exploit» de la part de son parti. En réunissant près d'un quart des voix, celui-ci confirme l'excellente dynamique qui le porte depuis les élections municipales et européennes de l'an passé. Le résultat est d'autant plus méritoire que les scrutins cantonaux n'ont jamais été très favorables au FN. Le parti, qui ne comptait jusqu'alors qu'un seul élu, revendiquait quatre victoires dès le premier tour, dimanche à 21 heures. Qualifié pour de très nombreux seconds tours, il a toutes les chances de voir ce nombre décoller dimanche prochain. Et ainsi de poursuivre la stratégie de crédibilisation du parti, d'offrir un débouché politique supplémentaire à ses militants, de se rendre plus attractifs à d'éventuels transfuges, de soumettre la droite à de douloureuses tentations au niveau local. Le score national masque aussi de fortes variations en fonction des territoires. Il confirme l'enracinement du parti dans ses places fortes du nord, du nord-est et du sud-est. Dans les mairies conquises en 2014, «nous réalisons des scores très supérieurs à ceux des municipales et des européennes», a assuré le numéro 2 du parti, Florian Philippot. Certes, à l'arrivée, le mode de scrutin majoritaire pourrait réduire à peu de chose les bons scores du premier tour. Sans rendre totalement irréalistes quelques performances. Présent au second round dans tous les cantons du Vaucluse (lire page 6), le FN est même en situation de remporter ce département - l'UMP locale se trouvant «laminée», selon un responsable local.
Outre un nombre d’élus inédit, le principal bénéfice de ce scrutin aura été acquis avant même le premier tour. En présentant des candidats dans 93% des cantons, le FN a étendu comme jamais son maillage territorial, l’une des grandes priorités du parti depuis l’arrivée de Marine Le Pen à sa tête - au prix, certes, de quelques candidats douteux.
«Socle». Le parti s'est notamment appuyé sur les nombreux élus municipaux acquis l'an passé. «Notre implantation aux municipales a porté ses fruits», s'est félicitée Marine Le Pen, présentant les résultats comme un «socle» pour les élections régionales à venir, dont le mode de scrutin - proportionnel avec une prime majoritaire - est bien plus favorable au FN. Ces nouveaux bataillons de militants sont surtout prêts à se mettre au service de leur présidente à l'approche de la seule bataille qui vaille pour le parti d'extrême droite : la présidentielle de 2017.