La fin d'une époque. Dimanche soir, le Parti communiste (PCF) n'aura plus aucun élu au sein de l'assemblée départementale de Corrèze. Jusqu'ici, ils étaient encore quatre. Mais à cause du redécoupage cantonal, de l'érosion d'un électorat historique vieillissant, de nouvelles règles électorales et d'une stratégie d'autonomie tenant les socialistes à distance, les communistes vont quasiment disparaître de la carte politique corrézienne. Du moins en termes d'élus. «L'enjeu de cette élection n'était pas forcément d'[en] avoir, défend Jean Combasteil, ancien maire de Tulle et ex-député de Corrèze. Nous voulions amorcer une autre dynamique, celle d'une autre gauche comme Syriza en Grèce.»
«Hara-kiri». Jusqu'à présent, avec des cantons plus nombreux et petits, la tradition d'union de la gauche garantissait des relations de bon voisinage avec les socialistes. Le nouveau mode de scrutin, par binôme, aurait pu les pousser à faire ticket commun pour sauver leurs élus. Mais pas question de s'allier avec des candidats PS soutenant la politique de François Hollande. Ce qui a conduit les communistes corréziens à poursuivre la stratégie choisie en Limousin depuis les régionales de 2010 : l'autonomie.
Cette année, les affiches des binômes étaient rouges et vertes, sous une bannière Rassemblement pour une alternative à gauche, composé du Front de gauche, d'Europe Ecologie-les Verts ou des nouveaux venus de Nouvelle Donne. Les communistes, dont le Limousin a été un bastion depuis le congrès de Tours (1920) et la Résistance, regrettent-ils ce «hara-kiri» que leur prédisait le quotidien local la Montagne fin 2014 ? «Non, répond sans ciller Pascal Bagnarol, secrétaire départemental du PCF et pionnier du Front de gauche en Corrèze. De toute manière, dans un accord avec le PS, on n'aurait eu qu'un seul élu.»
Côté PS corrézien, où cette concurrence des gauches fait grimacer, on table sur 7 cantons à gauche dimanche soir, 8 à droite et 4 indécis - ce qui laisse un petit espoir de sauver le fief présidentiel. Si les socialistes l’ont aussi mauvaise, c’est que, dans au moins quatre cantons, la majorité départementale - dont le PCF faisait partie jusqu’à cette année - aurait pu l’emporter dès le premier tour en se présentant unie. Dans beaucoup d’autres, un candidat d’union se serait qualifié devant celui de la droite, qui, elle, s’est entièrement rassemblée sous la bannière Corrèze Demain.
A Tulle, l'éparpillement a coûté au maire, Bernard Combes une victoire dès le premier tour, pour 8 voix. A Argentat, le maire (UDI), Jean-Claude Leygnac, l'a emporté dès le premier tour face à deux listes de gauche. Cette division, le PCF la met d'abord sur le dos de la politique menée à Paris : «Lors de notre assemblée départementale, où nous avons fait le choix de cette alternative, j'ai rarement vu autant de communistes d'accord entre eux», juge Combasteil.
Ressac. Le fossé creusé entre eux et le PS est aujourd'hui si profond qu'il a fallu de bonnes discussions aux communistes pour décider de retirer leurs candidats qualifiés au second tour - sans appeler clairement à voter PS. «Nous ne sommes pas des rabatteurs de voix, insiste Bagnarol au PCF. Nous avons défendu des valeurs, dont l'opposition aux politiques d'austérité et de vrais services publics. Les candidats présents au second tour [les socialistes, ndlr] n'avaient pas ça dans leur programme. A eux de gagner des voix.» Après ce ressac départemental, les communistes espèrent continuer à construire leur «alternative». Sans les socialistes.