On appelle ça les contraintes de l'agenda et parfois ça aide surtout quand on les a fixées soi-même. A trois jours d'un deuxième tour de scrutin départemental plus que compliqué pour l'exécutif, François Hollande et Manuel Valls ont adressé jeudi des messages subliminaux à deux catégories d'électeurs a priori aux antipodes: les écologistes d'un côté, les agriculteurs de l'autre. Devant les maires de grandes villes européennes réunis à Paris, le chef de l'Etat a plaidé pour un accord ambitieux lors de la conférence sur le climat de décembre prochain. «Nous ne pouvons pas rester indifférents ou dubitatifs. Nous ne pouvons pas nous immobiliser dans une espèce de refus» de lutter contre le réchauffement climatique, a insisté le président. Avant de vanter la mobilisation de la société civile, de défendre un «changement de modèle» malgré des «intérêts divergents» et d'insister sur le rôle «solide» de l'Union européenne dans les négociations. Un discours positif, comme il tente de s'y tenir depuis le début de la campagne et dans la limite de son rôle institutionnel.
Sauf que son apparition d'une trentaine de minutes à l'Hôtel de ville de Paris aux côtés de la maire Anne Hidalgo et du ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius faisait partie des déplacements rajoutés à l'agenda officiel par l'Elysée mardi, à la dernière minute. Du terrain bien calibré, bien balisé pour délivrer un message volontariste et coloré de vert avant une visite en Moselle vendredi pour parler d'industrie et de cette timide «reprise» économique. Selon plusieurs élus locaux, François Hollande annoncera à l'usine PSA de Trémery, près de Metz, que le site accueillera bientôt la ligne de fabrication des moteurs à essence du constructeur français. En cette semaine de bérézina électorale et de crash aérien, Hollande veut camper le président des bonnes nouvelles. Après les cafouillages entre Etat et mairie de Paris sur l'instauration de la circulation alternée dans la capitale pour cause de pollution aux particules fines la semaine dernière, le discours présidentiel avait une saveur toute particulière. Et ressemblait à un rameau d'olivier tendu à Anne Hidalgo plutôt qu'à un satisfecit à sa ministre de l'Ecologie, Ségolène Royal, quand il a insisté sur le «rôle d'exemplarité des métropoles» pour «montrer qu'il est possible de vivre dans les grandes agglomérations en suivant un modèle urbain compatible» avec la lutte contre le réchauffement climatique...
Au même moment, le Premier ministre faisait étape à Saint-Etienne, à l'occasion du congrès du puissant syndicat agricole FNSEA placé cette année sous un slogan à faire rougir d'envie un gouvernement en mal de résultats: «L'initiative pour une France qui gagne». Un détour, sous la surveillance du ministre de l'Agriculture, qui n'est apparu que mercredi dans l'emploi du temps officiel de Manuel Valls. Et une première, à l'heure où le monde agricole semble de plus en plus tenté par le vote FN. Jusqu'à aujourd'hui, jamais un chef de gouvernement n'avait prononcé de discours au congrès de la FNSEA. Accueilli par des sifflets et des cartons rouges - une réminiscence du congrès du Medef? - le Premier ministre a retourné la salle en tapant sur la grande distribution et en osant une tonitruant déclaration d'amour. «Les agriculteurs sont les meilleurs écologistes du pays», a-t-il lancé, déclenchant, cette fois, des tonnerres d'applaudissements. Il faut dire qu'avant lui à la tribune, le président de la FNSEA, Xavier Beulin n'y était pas allé de main morte, débinant, entre autres, les atermoiements du gouvernement autour du projet de barrage de Sivens et dénonçant l'attitude des zadistes, du Tarn ou d'ailleurs. «Pendant combien de temps allez-vous donner des gages improbables aux Verts ?», a tonné Beulin, convaincu que l'on «assiste actuellement à la fin de l'écologie politique». A sa sortie du Zénith de Saint-Etienne, Manuel Valls était tout miel, s'auto-congratulant d'être «dans le top 5 des hommes politiques les plus populaires parmi les agriculteurs et le premier à gauche». Avant un scrutin, brandir sa popularité comme bouclier ça peut toujours servir. Ou pas.