Le FN attend la victoire à Carpentras
Sur le parking désert, deux motards font cabrer leur bolide. Le bar-restaurant du marché-gare s'est fait une place entre deux entrepôts, en plein marché d'intérêt national. A l'intérieur, scotchées sur le grand comptoir vintage, quelques affiches siglées FN. C'est ici, en banlieue de Carpentras, que Marion Maréchal-Le Pen a convié ses troupes pour la soirée électorale. On attend du monde : la grande salle a été vidée de ses tables, où d'ordinaire déjeunent les routiers. Accroché au mur, un écran géant affichera, plus tard, les résultats du département. Juste à côté, un podium face aux caméras, entassées sur une estrade. A l'entrée, deux frontistes tamponnent les journalistes à coups de «DPS», pour «département protection sécurité», le service d'ordre du FN. «C'est pour vous permettre d'aller et venir tranquillement», précise une hôtesse, sourire en coin. Fred, le patron du bar, a posé les coudes sur son comptoir. «Je loue la salle, je vends mes cocas et c'est tout, évacue-t-il. Le FN est ici parce que c'est l'une des deux grandes salles de la ville. L'autre a été louée par le maire, voilà tout. La politique, je m'en fous.» Sa feuille de route, prévoir un apéritif pour 300 personnes, des militants conviés ici à partir de 20 heures. Les candidats et Marion Maréchal-Le Pen sont attendus vers 21 heure.
Ce matin, la députée FN Marion Maréchal-Le Pen n'avait pas encore déposé son bulletin dans l'urne que le peloton médiatique s'agitait déjà. Le bureau de vote de l'hôtel de ville de Carpentras est interdit aux caméras. Décision du maire PS, Francis Adolphe, article L62 du code électoral à l'appui. «La semaine dernière, les télés ont montré en boucle Marion Maréchal-Le Pen, c'est forcément matière à influence», se défend-il. Candidat pour la gauche dans le canton, il est arrivé dimanche dernier largement derrière le binôme frontiste. «Mais si je ne me présentais pas, il passait au premier tour…» Toute la semaine, comme les huit autres duos de gauche qualifiés au second tour dans le Vaucluse, il a fait du porte-à-porte pour mobiliser les abstentionnistes. Une stratégie qui ne semblait pas avoir encore payé en fin de matinée : à midi, la participation s'élevait à 18,6% dans le département, contre 20,6% il y a sept jours.
L'enjeu est pourtant de taille : ce soir, le Vaucluse pourrait être le premier à tomber entre les mains du Front national, qui rêve de brandir ce nouveau trophée électoral. «Je suis assez confiante», assurait Marion Maréchal-Le Pen à la sortie de l'isoloir. Entre les deux tours, le FN local a ajouté un nouvel argument à son gimmick anti-«UMPS» : le parti est le seul à pouvoir obtenir la majorité absolue à l'assemblée départementale, c'est-à-dire l'emporter dans au moins neuf cantons sur dix-sept. La députée a fait ses comptes : «L'UMP n'est qualifiée que dans huit cantons. Le PS, lui, est présent dans neuf, mais il lui faudrait gagner partout…»
Ces deux cantons viennent s’ajouter à celui du Pontet, acquis dès le premier tour. Le FN est également en situation très favorable à Carpentras et Cavaillon. L’accord avec la Ligue du Sud le place aussi en position de force dans le canton de Valréas, où se joue un duel contre l’UMP. Mais ici, le binôme socialiste, pourtant qualifié au second tour, a décidé de se retirer pour faire barrage au Front. Autre retrait de poids, celui du candidat de droite à Pernes-les-Fontaines, laissant un duo socialiste face au FN. Dans ces cantons tangents, ce sont les électeurs de droite, sans consigne, et ceux de gauche, démotivés, qui vont devoir trancher.
S.Ha.
A Orange, l’extrême droite affronte l’extrême droite
Orange, capitale de la Bompardie en Vaucluse. Son théâtre antique, ses placettes battues par le mistral et, dimanche des Rameaux oblige, ses branches d'olivier aux quatre coins de rue. La messe touche à sa fin et l'église affiche complet. Les urnes de la mairie voisine, elles, un peu moins. «Je dirais comme la semaine dernière, pas plus pas moins», tempère Lionel Payet, qui tient le bureau numéro un. Ici, on est passé au vote électronique depuis quelques scrutins. Exit les petits bulletins et l'isoloir, il suffit de passer derrière la machine aux aires de jeu d'arcade en fond de salle et de choisir entre trois boutons : pour Yann Bompard —fils de Jacques, maire d'Orange et père fondateur de la Ligue du Sud—, tapez 1. Pour le binôme du FN, mené par Jean-François Matteï, tapez 3. Ultime option, le vote blanc —tapez B— qui risque de cartonner ce dimanche : le canton est le seul à proposer un duel de second tour exclusivement à l'extrême droite. FN contre Ligue du Sud, «blanc bonnet et bonnet blanc», souligne la gauche locale dans un communiqué appelant à voter blanc plutôt que de s'abstenir.
Charles, 21 ans, a posé son rameau près de son café, sous le soleil. «J'ai voté blanc, pour montrer que je ne suis pas d'accord avec ce choix qui n'en est pas un, explique-il. Je suis né ici et je ne suis pas à l'aise avec l'image que ça donne de la ville. Dès que l'on sort d'Orange, on est taxé de fachos.» Charles a bien essayé de s'engager en politique pour contrer la Ligue du Sud. «C'était aux dernières municipales, je me suis mis avec l'UMP. Mais je suis parti juste avant les élections, ça racolait trop les idées du FN.» Robert aussi ira voter. Pour le parti du maire, mais sans conviction. «Même si il présentait des nouvelles tulipes, on voterait pour lui, raille-t-il. Mais au moins, on le connaît. Ça aide un peu la candidature de son fils.» Au premier tour, Yann Bompard a rassemblé 26,98% des voix mais s'est fait voler la vedette par le candidat FN, arrivé en tête avec 31,61%. «Ce duel entre gens qui partage les mêmes idées, ça veut bien dire qu'ils ne font pas ça pour nous mais pour eux, reprend Robert. Les politiques n'ont plus d'idéaux. Alors, dans ce cas, pourquoi ne pas voter Bompard…»
S.Ha.
L’Aisne sans majorité départementale ?
Dès le premier tour, le parti de Marine Le Pen a décroché deux élus dans le canton de Vic-sur-Aisne et atteint les 39% de suffrages dans le département avec de fortes pointes dans les zones les plus rurales. «On a fait notre devoir de citoyen. On a voté au premier tour et on vote au second. Même si a droite comme à gauche, il n'y en a pas un pour racheter l'autre. Ils ne pensent tous qu'à la place», confie Alain, chauffeur routier à la retraite, et Nicole, aide-soignante, tous deux catholiques pratiquants.
Dans ce canton, le FN a réalisé une percée inattendue. «Y compris en centre ville, le vote FN n'est plus contenu», a appris du premier tour de scrutin Réné Dosière, député apparenté PS de l'Aisne. Malgré tout, l'apport des voix urbaines devrait permettre à la gauche de conserver ce canton. Le sort de celui de Tergnier paraît plus incertain. Dans cette ville cheminote, à forte tradition ouvrière, le candidat frontiste, Jean-Louis Roux, ancien militaire de carrière tout comme le patron départemental du parti d'extrême droite, Franck Briffaut, est arrivé en tête avec plus de 37% des voix. Le conseiller général sortant PCF, Michel Carreau, a obtenu 27% des suffrages et une liste de gauche dissidente 20%. «Le résultat, pour des raisons purement locales, peut être très incertain», estime Dosière.
Dans ce département où 42 sièges sont à pourvoir dans la future assemblée locale, la droite semble assurer d'en emporter 16, la gauche 14 et le FN au moins 10. Et les deux sièges disputés de Tergnier flottent pour le moment entre une contestation frontiste ou son ancrage traditionnel à gauche. «Même si sur le papier, la gauche devrait l'emporter, personne ne peut dire sur qui va se reporter l'UMP qui a quand même fait 12,5% des voix et quel camp le mieux réussir à mobiliser son électorat pour l'emporter au second tour», confiait Jean-Louis Roux, lundi. Michel Carreau veut croire, lui, à un report massif en sa faveur des électeurs de la deuxième liste de gauche. «Roux est arrivé au maximum. Il n'a plus de réservoir de voix. Il ne va pas beaucoup progresser à la faveur de ce second tour», analyse Michel Carreau , membre du PCF depuis 1964, et conscient que ce soir «la gauche va perdre l'Aisne. Aucun groupe n'a la majorité. Après il va falloir tout faire pour empêcher le FN de prendre la présidence du département». L'élection du président se tiendra jeudi. Mais dès ce soir 21 heures, les discussions de couloir vont commencer.
C.F.
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Gard : droite et gauche au coude-à-coude, FN en embuscade
C’est peu dire que l’extrême droite gardoise attend fébrilement les résultats de ce second tour. Certes, le binôme d’union de la gauche a été élu dès le premier tour dans le canton de la Grand-Combe. Mais dans les 22 autres cantons du département, le FN est partout présent au second tour. Le parti de Marine Le Pen est arrivé en tête dans 13 cantons, totalisant à l’échelle du département 35,5% des suffrages exprimés. Dans le canton de Beaucaire, le FN a même frôlé les 50% face au binôme divers gauche.
Pourtant ici, personne n’envisage que le FN puisse ravir le conseil général au PS. Mais la majorité départementale devra batailler ferme pour gagner : elle a engrangé 37,16 % des suffrages au premier tour, est arrivée en tête dans 5 cantons mais pourrait payer cher sa désunion, notamment au Vigan où la triangulaire compte deux listes de gauche.
La droite, elle, entame ce second tour avec de réels atouts et semble certaine de l’emporter dans au moins quatre duels contre le FN. Dans le canton de Saint-Gilles, l’union de la gauche (qui avait totalisé dimanche dernier 26,94 % des voix) s’est désistée, favorisant l’union de la droite qui a réuni 29,24% des suffrages, contre un FN culminant à 43,83%. En tout, ce sont 18 duels (10 opposant le FN à la droite, 8 opposant le FN à la gauche) et 4 triangulaires qui se jouent aujourd’hui dans le Gard.
Les résultats de Vauvert focalisent tout particulièrement l’attention : le binôme FN a engrangé 42,7% des suffrages au premier tour face à Jean Denat, président sortant (PS) du Conseil général (30,8% des suffrages). C’est dans cette commune que Manuel Valls a appelé, vendredi dernier, «à la résistance face au FN», un parti présentant selon le premier ministre «un danger mortel» et capable de «gagner l’élection présidentielle».
A Nîmes, c’est le sénateur et maire Jean-Paul Fournier, patron de l’UMP gardoise, qui s’est chargé de monter au créneau, comparant la montée du FN à celle de l’Allemagne nazie et appelant les électeurs de droite à voter pour la gauche en cas de duel avec le FN. A midi, le taux de participation dans le Gard s’élevait à 21,6%, soit un peu moins que dimanche dernier à la même heure (22,2%).
S.Fi.
A Vauvert, on attend le diable
Ambiance de plomb à l'hôtel de Ville de Vauvert : sur ces terres dédiées aux toros, aux fêtes votives et aux abrivados, on s'attend au pire. «On a fait le maximum entre les deux tours, beaucoup de porte-à-porte, et le meeting de Manuel Valls, qui s'est tenu ici vendredi dernier, a mobilisé plus de 600 personnes, raconte le maire PS, Katy Guyot. On espère que le FN a fait le plein de ses voix au premier tour, mais on n'est pas très optimistes.»
Il y a de quoi : dans le canton de Vauvert (où la participation au premier tour a atteint 55,28 %, et dépassé 58% sur la commune), le binôme FN composé de Nicolas Meizonnet et Béatrice Pruvot est arrivé largement en tête au premier tour avec 42,69% des suffrages exprimés. Mieux : ces deux conseillers municipaux à la mairie de Vauvert sont arrivés en pole position dans les dix communes du canton. Nous sommes ici sur les terres du député Gilbert Collard, lequel n’a pas manqué de faire le tour des bureaux de vote accompagné de Nicolas Meizonnet, qui est également son attaché parlementaire.
Face au binôme FN, la gauche tente de garder espoir. Mais Pascale Fortunat-Deschamps et Jean Denat, premier adjoint au maire de Vauvert et surtout président sortant (PS) du Conseil général du Gard, n’ont obtenu que 30,8 % des suffrages exprimés. L’enjeu est de taille : si Jean Denat parvient à l’emporter, il sera à nouveau candidat à la présidence du Département.
Vauvert fait partie des huit cantons gardois où l'union de la droite est absente. Elle n'avait réuni ici, au premier tour, que 18,23% des suffrages exprimés. Jean-Paul Fournier, sénateur-maire de Nîmes et patron de l'UMP gardoise, a appelé les électeurs de droite à voter contre le FN mais le message risque d'être brouillé. «J'étais UMP. Je ne comprends pas qu'on nous dise quoi voter», s'indigne Pascal, 57 ans, qui vient de glisser un bulletin FN dans l'urne. «Ici, les gens ne respectent pas les consignes des partis et leur vote ne répond souvent à aucune logique politique. Les résultats sont donc complètement aléatoires, estime Jean Denat. Ce qui est rageant, c'est de penser qu'après vingt ans de travail de terrain, je puisse être battu par quelqu'un qui ne connaît rien à la vie publique…»
S.Fi.
Dans le Var, à droite toute
Confiants. Voilà l'état d'esprit des leaders FN et UMP du Var. «Nous sommes arrivés en tête au premier tour avec près de 39% des voix. Nous avons remporté 15 des 23 cantons varois», se réjouit Frédéric Boccaletti, secrétaire départemental FN et candidat sur le canton La Seyne 2. Il espère que la victoire du binôme frontiste à Fréjus la semaine dernière ouvrira la voie à d'autres succès. Et le FN a toutes les raisons d'y croire puisqu'il a qualifié exactement un binôme par canton.
Sur les 22 cantons encore en jeu, le FN affronte l'UMP dans 20 d'entre eux. «Je suis raisonnablement confiant», admet à son tour Philippe Vitel, secrétaire départemental UMP: «Je suis très optimiste pour les cantons où nous sommes arrivés en tête au premier tour». Concernant les duels où elle est arrivée en seconde position, l'UMP compte sur le report de voix : «Il y a des cantons où il y avait des candidatures dissidentes à droite et d'autres avec des candidats UDI», explique-t-il.
En marge de ce duel FN-UMP, le PS ne s'est maintenu que dans les cantons de La Seyne et de Garéoult, historiquement ancrés à gauche. S'il y en a une qui n'est pas confiante, c'est bien Mireille Peirano, première secrétaire du PS varois : «Malheureusement les résultats du premier tour correspondent à ce que l'on craignait. Il ne nous reste plus que deux candidats à sauver et ce n'est pas encore fait», déplore-t-elle. Dans tous les cantons où la gauche n'est plus représentée, Mireille Peirano appelle sans surprise à voter contre le Front national. «Si le FN passait dans plusieurs villes, ce serait une catastrophe», affirme-t-elle.
Dimanche dernier, la participation varoise s'élevait à 49,77%, sept points de plus qu'en 2011 mais en dessous de la moyenne nationale. Ce qui n'a pas empêché la campagne de l'entre-deux tours de se focaliser sur les abstentionnistes. Les équipes socialistes étaient sur le terrain : «Nous repérons les quartiers où l'abstention est forte et nous faisons du porte-à-porte», détaille Mireille Peirano. Frédéric Boccaletti (FN) pointe, lui, la différence de mobilisation des Varois entre cette élection et les autres scrutins. «Si on regarde les chiffres, il manque beaucoup de bulletins dans l'urne par rapport à l'élection présidentielle», fait-il remarquer. A midi, la participation s'élevait à 20,16%, contre 13,45% à la même heure en 2011.
M.F.