Ce dimanche soir, le bloc UMP-UDI devrait arriver premier en termes de candidats élus et de départements gagnés. Soucieux de paraître sous leur meilleur jour, les autres mouvements pourront toutefois avancer d’autres critères pour éviter d’être rangés parmi les perdants du scrutin. Le point, parti par parti.
Le PS a «gagné» si…
Il sauve plus de vingt-cinq départements
«Dire qu'on a gagné vingt départements, ça voudra quand même dire qu'on en a perdu quarante.» Comme le glisse un député socialiste, les ténors de la majorité ont tout fait dans l'entre-deux tours de ces élections départementales pour préparer les esprits à une lecture la plus rose possible des résultats de ce dimanche soir alors que la France des départements sera à nouveau bleue avec —peut-être— quelques taches noires. Mardi, en bureau national, les hauts dirigeants du PS se sont entendus pour dramatiser, faire croire que leur parti n'allait sauver que 20 départements sur les 61 qu'ils possèdent depuis 2011. Histoire de claironner ensuite que, malgré la défaite, la gauche a «sauvé» une poignée d'assemblées départementales.
Sauf que ne garder que 20 départements et plus, ce serait tomber en dessous du plus bas historique pour un tel scrutin dans l'histoire des socialistes : 21 conseils généraux en 1992, un an avant les législatives les plus catastrophiques de l'histoire de la gauche au pouvoir. Vingt départements conservés, «c'est ce qu'on nous a dit qu'il fallait dire, confesse un député. Mais avec des reports convenables, on peut monter à 27». D'autant plus que si les départements franciliens de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne sont finalement sauvés, le refrain de «l'union de la gauche qui fait gagner» pourra être entonné malgré la disparition de centaines de candidats de gauche dès le premier tour pour cause de profondes divisions… Une ministre prévient que ça va se jouer au canton près, notamment sur les reports de voix à gauche et leur capacité à aller piocher dans les abstentionnistes : «C'est sur la tranche de la pièce, ça tombe d'un côté ou de l'autre.»
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L’UMP a gagné si…
La France vire au bleu à 70%
Même si elle s'est abstenue de la crier sur tous les toits, la droite a bon espoir de faire basculer une trentaine de départements. Avec ses alliés de l'UDI, l'UMP présiderait, dans cette hypothèse, au moins 70 des 101 conseils départementaux du pays. Une domination écrasante qui justifiera tous les superlatifs. Officiellement, la droite a laissé entendre qu'elle se contenterait d'une vingtaine de conquêtes, ce qui lui permettrait d'inverser le rapport de force très favorable à la gauche depuis les cantonales de 2011. Mais, au fond, le parti de Nicolas Sarkozy espère faire beaucoup mieux. Il rêve d'une razzia vraiment historique sur plus de 80 départements. Du jamais vu depuis le début de la Ve République.
Le FN marque le pas
Le hold-up sur les départements est la condition nécessaire, mais pas suffisante, du triomphe de Sarkozy. Il faut aussi, à l’occasion de ce deuxième tour, que l’ancien chef de l’Etat démontre qu’il a réussi à faire reculer le FN, grâce à une campagne accès sur la défense d’un «mode de vie» français, menacé par les assauts du «communautarisme» musulman. Un combat qui passe, a-t-il expliqué, par l’abandon des menus de substitution dans les cantines scolaires. La récompense logique de cette campagne ultra-droitière se traduire par des victoires très nettes des candidats UMP, face au FN comme face à l’UMP. Si, par ailleurs, le FN devait sortir largement victorieux de ses duels contre PS, la démonstration serait faite que le ni-ni prôné par Sarkozy profite nettement à l’extrême droite. Ce qui ne serait pas vraiment une victoire pour la droite républicaine.
Le FN a gagné si…
Il remporte son premier département
Ce serait «très difficile», jugeait Marine Le Pen avant le premier tour ; c'est désormais une «hypothèse» crédible, a-t-elle jugé après les bons résultats de dimanche dernier. Deux départements semblent à la portée du FN. Le Vaucluse, d'abord. Pour le contrôler, le parti, qui y a déjà obtenu un élu au premier tour, doit gagner au moins huit des seize cantons encore en jeu. Ou plutôt sept, car il s'est désisté à Bollène au profit de la Ligue du Sud, petit mouvement d'extrême droite avec lequel il pourrait diriger le conseil départemental. L'hypothèse n'a rien d'improbable, vu la déliquescence du PS et de l'UMP locaux. La situation est un peu moins favorable dans l'Aisne. Dans les deux cas, même si le FN n'était pas majoritaire, le nombre important de ses élus pourrait compliquer la gouvernance du département - forçant la droite à s'allier soit à lui, soit à la gauche lors du vote des budgets.
Il fait élire une centaine de conseillers départementaux
Dans son histoire, le FN n’a contrôlé jusqu’ici qu’une poignée de cantons. Il devrait entrer dans une autre dimension ce dimanche, avec plusieurs dizaines de gains attendus. Parlera-t-il de «victoire» ou d'«exploit» ? Tout dépendra du nombre de cantons à virer au bleu marine ce soir. Un cadre du parti évoque entre quarante et cinquante circonscriptions gagnables, soit de quatre-vingts à cent élus. S’il atteignait la fourchette haute de cette estimation, le FN pourrait à bon droit parler d’exploit - un tel résultat démontrant que le scrutin majoritaire, s’il reste compliqué pour lui, n’a plus rien de rédhibitoire.
Il siphonne la droite
Les résultats de ce second tour permettront d’étudier le comportement des électeurs de droite, dans les cas où leur parti aurait été éliminé au premier round. Un report massif de leur part sur le FN plutôt que sur la gauche signerait l’échec du «ni-ni» prôné par l’UMP. Réduisant à peu de chose la «digue» censée séparer la droite de l’extrême droite. On observera également le comportement des élus et cadres de droite dans les territoires où le FN aura réalisé ses meilleures performances : certains pourraient ne pas résister à la tentation du rapprochement, voire du ralliement.
Le Front de Gauche a gagné si…
Si le Parti communiste conserve les deux derniers départements qu’il préside: le Val-de-Marne, district de la petite couronne parisienne, dirigé par le PCF depuis 1976, et l’Allier, enclave rurale du centre du pays. La tâche s’annonce difficile. Dans le Val-de-Marne la gauche est inquiète, mais la victoire est probable après les résultats du premier tour. Dans l’Allier, le PCF a bien résisté et entame le sprint final avec une légère avance. La gauche, moins divisée qu’ailleurs, totalise 40% des suffrages au premier tour devant l’union de la droite (environ 38%) et le FN (21,5%).