François Miquet-Marty, président de Viavoice, institut d’études et de conseil en opinions, analyse les résultats du scrutin. Selon lui, les électeurs de gauche sont «orphelins».
Quelles leçons tirez-vous de ce second tour ?
On assiste à une double victoire : celle de la droite modérée, et celle du Front national, même s’il ne gagne a priori pas de département. Certes, il y a une certaine résistance de la gauche si on compare au désastre de 1992. Mais, si elle perd effectivement la moitié de ses départements, on ne peut que parler d’un vote sanction contre elle. Cela montre la présence de plus en plus forte des valeurs de droite dans toute la société.
Comment expliquer la faiblesse de la gauche ?
Il existe un trouble identitaire de l’ensemble des électeurs socialistes, lié à l’exercice de la politique au pouvoir, à l’absence de résultats, à la distance sociologique perçue entre le haut et le bas de la société. On peut noter que la gauche perd souvent des départements où les catégories sociales modestes sont fortement représentées. De quelle manière peut-elle renouer avec ces électeurs ? Comment peut-elle parler de la patrie, de la France ? Il y a tout un discours à reconstruire. Depuis 2008, la France des oubliés de la démocratie progresse. Désormais, c’est aussi celle des orphelins de la gauche. Ces électeurs considèrent qu’on ne se préoccupe pas d’eux, et que le PS n’a même pas l’intention de le faire.
Les responsables socialistes appellent souvent au rassemblement de toutes les forces de gauche dès le premier tour des prochaines élections régionales, en décembre. Est-ce envisageable ?
Difficilement. Les électorats de gauche sont très hétérogènes. La diversité des candidatures n’est pas liée uniquement à des questions d’appareils. Cela correspond aussi à un clivage sociologique. C’est un problème de lien social et identitaire.
Ce scrutin valide-t-il la stratégie d’enracinement local du FN ?
Quand bien même il ne gagnerait pas de département, le parti de Marine Le Pen progresse en voix : de 15% aux cantonales de 2011, il passe à 25% aujourd’hui. La rapidité de son implantation est extrêmement forte, ce qui donne en effet raison à la stratégie de Marine Le Pen. Le FN n’a pas obtenu les symboles qu’il recherchait —un département—, mais c’est moins important que son ancrage local. Il s’est enraciné dans la société française.