A l'heure où l'on parle d'élargir la «base politique» du gouvernement (et donc de remanier), l'exécutif dispose d'une arme de choix pour que tout le monde se tienne à carreau dans la majorité : le calendrier. Les départementales terminées, François Hollande et Manuel Valls semblent de plus en plus décidés à prendre leur temps. «La question n'est pas celle des infléchissements [de la ligne politique] mais de comment on gagne de l'efficacité avant l'été», estime le Premier ministre en petit comité, fixant ainsi un horizon lointain qui enjambe les étapes politiques et économiques de la gauche pendant tout le printemps qui vient.
Seuls pourraient être réglés rapidement le remplacement de Geneviève Fioraso, au secrétariat d'Etat à l'Enseignement supérieur, puis celui de Carole Delga, qui partira de Bercy en juin pour conduire la liste socialiste aux régionales dans la nouvelle région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées. «Le remaniement n'est pas l'urgence», affirme donc le Premier ministre dimanche dans le JDD. Et d'ajouter: «Le gouvernement ne change pas. Peut-on s'ouvrir à d'autres et notamment aux écologistes? C'est à eux d'en décider.»
Mardi, devant le groupe socialiste de l'Assemblée, le Premier ministre avait pris soin de préciser que l'agenda parlementaire restait inchangé pour la semaine suivant le second tour : le gouvernement est attendu à Berlin pour un conseil des ministres franco-allemand et l'Assemblée va commencer à débattre de la loi santé. Vient ensuite le week-end de Pâques, pendant lequel les écologistes «réalos» – partisans d'un retour au gouvernement – tiennent une réunion à Paris, le 4 avril. De quoi confirmer concrètement la division d'Europe Ecologie-Les Verts, où une majorité refuse toujours d'entendre parler de participation ministérielle s'il n'y a pas de changements important dans la politique menée.
Frondeurs
Selon l'un de ses organisateurs, ce «collectif» a pour objectif de mettre sur une même tribune «l'ensemble des écologistes» prêts à «être utiles» à François Hollande. Qu'ils soient EE-LV (les parlementaires Jean-Vincent Placé, François de Rugy, Denis Baupin) ou non (Corine Lepage, Jean-Luc Bennahmias…). Certains tablent même sur une «ouverture» pour eux dans le gouvernement, «avant l'été», afin de «recréer une dynamique pour les régionales» de décembre.
Après les écologistes s'ouvre ensuite la semaine socialiste : les différents courants internes ont jusqu'au 11 avril, jour d'un conseil national, pour déposer une «motion», ces textes d'orientation qui seront soumis fin mai au vote des militants en vue du congrès de Poitiers, début juin. «Si Hollande veut un remaniement tactique qui produise des effets sur le congrès du PS, il a jusqu'au 11 avril», estime un député proche de Martine Aubry. Si, avant cette date, les amis de l'ancienne première secrétaire, du patron actuel du PS, Jean-Christophe Cambadélis, et les proches de François Hollande et de Manuel Valls se mettent d'accord sur un texte commun, ce sera un signal : la grande majorité du PS réunie, il n'y aura plus d'obstacles à un gouvernement ouvert à certains frondeurs. Autre indice permettant de penser que le remaniement n'aura pas lieu cette semaine-là : le chef du gouvernement enchaînera les 9 et 10 avril deux visites au Maroc et au Portugal.
Jours fériés
Obstacle supplémentaire au rassemblement immédiat, le ministre des Finances doit présenter le 15 avril la nouvelle trajectoire des finances publiques de la France en conseil des ministres avant de transmettre ce programme à la Commission européenne à la fin du mois. Pour des socialistes et des écologistes demandant l’assouplissement de la rigueur budgétaire, il paraît difficile de rentrer dans le rang au moment où l’on annonce quatre milliards d’euros d’économies nouvelles pour 2015. Constellé de jours fériés, le mois de mai se termine ensuite par le double vote des militants socialistes, sur les motions le 21 et le premier secrétaire le 28. Ce qui permet au chef de la majorité d’aborder les deux prochains mois tranquille.
«Ce que je crois, c'est que ce soit pour le PS, avec son congrès, ou pour les Verts, il y a un temps de maturation, confie Manuel Valls en privé. Ça ne peut pas être [du seul ressort du] gouvernement. Il faut que les formations politiques se parlent.» Ce qu'a déjà anticipé Jean-Christophe Cambadélis, en conviant les écologistes, lundi, rue de Solférino et en se prononçant pour la «gauche unie». «Le temps d'une mise à plat des convergences et des divergences est arrivé, a-t-il demandé dans un communiqué publié à la veille des départementales où la gauche est partie en ordre totalement dispersé, au risque de l'élimination dès le premier tour. Le temps de la réflexion ensemble sur les échéances à venir est advenu.» Comme celui des tentatives de paix.