Pour le second tour, elle n'a pas fait de porte-à-porte, juste mis des tracts dans les boîtes aux lettres. Dans son quartier, certains sortent quand ils l'aperçoivent, pour bavarder. «Les gens m'attirent et vice versa. J'aime bien prendre des nouvelles de tout le monde» : «Ils me disent : "On ne peut plus s'en sortir. Encore deux ans !" Ils parlent des retraites qui n'ont pas augmenté. Ou de ce qu'ils ont entendu à la télé. Je les écoute, je les rassure. Je leur dis : "Vous avez raison." Ça leur fait du bien.»
Maryse Poulain, 64 ans, est la nouvelle conseillère départementale du canton d'Hénin-Beaumont 1 (Pas-de-Calais). Cette ancienne employée en façonnage dans l'imprimerie était déjà adjointe aux affaires scolaires du maire FN, Steeve Briois. Dans son quartier, elle a fait 60% dès le premier tour. Dans les autres villes du canton, elle pense que «c'est l'étiquette FN qui a fonctionné. Le ras-le-bol».
Cow-girl. On la voit partout. Deux fois par semaine sur le marché pendant quarante-quatre ans pour acheter ses légumes, ce qu'elle regrette de ne plus avoir le temps de faire. Déléguée parents d'élèves quand ses enfants étaient petits, toujours à la sortie des classes avec ses petits-enfants pendant des années, elle est encore là une fois par semaine pour «prendre la température». Tout comme à la danse country, qu'elle pratique depuis sept ans, et au carnaval, où elle danse habillée en cow-girl. Et lors des thés dansants, archifréquents ici, elle est sur la piste tout l'après-midi. «Madison, valse, même le tango renversé, quand j'ai un bon cavalier.» Au boulot dès l'âge de 16 ans, en cartonnerie, Maryse Poulain a connu le chômage à 50 ans, quand son usine a fermé, et a touché une «allocation équivalent retraite, 800 euros par mois» : «Maintenant, ça n'existe plus. Ce serait bien qu'ils la remettent. Je connais un monsieur, il est à un an de la retraite, au chômage, il ne touche que 400 euros.»
Taciturne. Ses deux fils, militaires de carrière, ont raccroché après quinze et dix-sept ans de service, en ex-Yougoslavie, au Kosovo, au Tchad, entre autres. «Le plus dur, c'était la Yougoslavie. J'ai pleuré.» Sa fille, mère de trois enfants, cherche du travail. Son mari, Marcel, un taciturne, est un ancien ouvrier chez Renault Douai. Elle avait une grand-mère communiste, ses parents votaient PS. Elle a pris sa carte au FN il y a «dix ou douze ans». Ce sont ses fils qui lui ont présenté Steeve Briois, en 1995. «J'ai fait connaissance, j'ai adhéré à leurs idées, j'ai même rencontré Jean-Marie [Le Pen]. Je les ai suivis. Pour moi, c'était de très bonnes idées.» Adjointe aux écoles, elle a mis en place les rythmes scolaires, même si, «avec monsieur le maire»,ils étaient «contre». «Et, finalement, on a des bons retours. Ça a un coût, mais ça se passe bien.» Comme le mariage pour tous ? Elle a déjà marié des homosexuels, hommes et femmes, dont un couple d'hommes en queue de pie, «très classe».