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Libération
Analyse

Le Front national sans département

Le FN obtiendrait plusieurs dizaines de conseillers, mais aucune présidence d’assemblée.
Nanterre, au siège du FN après l'annonce des résultats. (© Albert Facelly)
publié le 30 mars 2015 à 0h36

Malgré un nombre record de conseillers départementaux - une soixantaine - le Front national n'a pas réussi à gagner le premier département de son histoire. Le Vaucluse semblait tendre les bras au parti d'extrême droite ; mais celui-ci ne l'a emporté que dans trois cantons du département, quand il en aurait fallu huit au moins pour contrôler l'assemblée locale - en plus de la circonscription déjà gagnée au premier tour (lire page 6). Parti d'extrême droite concurrent, la Ligue du Sud a gagné deux autres cantons. Pas assez pour donner les clés du Vaucluse à une éventuelle alliance, d'autant que les relations sont exécrables entre les deux mouvements. Arrivée «assez confiante» dans l'après-midi, Marion Maréchal-Le Pen en était réduite à dire sa «satisfaction de voir le Parti socialiste s'effondrer». Les résultats annoncent cependant un troisième tour difficile, avec une égalité quasi parfaite entre les blocs de droite, de gauche et d'extrême droite. L'UMP locale se trouve ainsi dans la situation inconfortable de devoir constituer une «majorité de gestion» avec la gauche, ou de briser l'interdit en se rapprochant du FN ou de la Ligue du Sud. Même scénario dans l'Aisne, deuxième meilleure chance de victoire du FN : celui-ci ne s'y classe que troisième, derrière la droite et la gauche.

Sans relief. Au premier tour, la perte (contestée) du label «premier parti de France» avait empêché le FN de profiter à fond d'un résultat pourtant historique. Au second, cet échec à conquérir un département a, à son tour, gâché la fête frontiste. Sans jamais se dire certaine d'une telle issue, Marine Le Pen avait qualifié d'«hypothèse crédible» le gain de l'Aisne et du Vaucluse. Dimanche soir, manifestement déçue, la présidente du FN a livré un discours sans relief. Et posé son parti en victime d'une «campagne amère» de la part de Manuel Valls, qualifié de «petit politicien médiocre».

La plupart des gains du FN se trouvent dans ses places fortes du Nord, du Nord-Est et du Sud-Est. Bien qu'il soit inédit, le nombre de soixante-deux élus est en-deçu du pronostic d'un haut cadre frontiste, qui pariait entre les deux tours sur «80 à 100 élus». En plus de quarante ans d'existence, le FN n'avait jamais disposé que d'une poignée de conseillers départementaux. Après les onze mairies gagnées en 2014, il franchit un nouveau palier dans son implantation locale - sans s'exposer à être jugé sur son bilan, faute d'avoir les mains libres dans un département. Dans les assemblées locales, les dizaines d'élus FN seront autant de pôles d'attraction pour d'éventuels ralliements en provenance de la droite traditionnelle. Malgré son relatif échec, le parti frontiste s'est, par endroits, posé en sérieux concurrent de l'UMP. «La nouvelle droite, c'est le FN», a jugé le président sortant du conseil général du Gard, Jean Denat, battu par un binôme frontiste. Le scrutin, enfin, a confirmé l'incrustation du FN dans et autour des communes conquises l'an passé, dont plusieurs ont élu des candidats FN. Marine Le Pen a salué la «multitude de relais locaux […] qui aideront aux étapes futures».

Quatre régions. Le FN va s'atteler à la préparation des régionales. Dès cette semaine, ses services s'affairaient à projeter les résultats de ces départementales sur la carte des élections régionales, prévues en décembre. Une échéance au mode de scrutin plus favorable, où Marine Le Pen a estimé être en mesure de gagner quatre régions : Nord-Pas-de-Calais - Picardie, Grand-Est, Franche-Comté - Bourgogne et Paca. C'était avant un second tour qui aura montré le risque de pronostics trop hardis.