«En Haute-Vienne, les femmes tuent les femmes», tranche, cinglante, une militante qui a quitté le Parti socialiste parce que, dit-elle, ses engagements «sont à gauche». Sous entendu le PS ne l'est plus. Elle fait référence aux déclarations de Marie-Françoise Pérol-Dumont, la présidente sortante du conseil général qui, en pleine campagne, a estimé qu'aucune autre femme, parmi les élues socialistes aux départementales, n'avait la carrure pour lui succéder. En 2004 pourtant, ce département donnait l'exemple en la désignant à sa tête. En 2011, la même femme, aujourd'hui sénatrice, gardait sa place dans le club des cinq présidentes de département. Mais lundi, dans le secret du huis clos, les deux candidatures féminines qui se sont manifestées pour lui succéder ont été balayées d'un revers de main. Isabelle Briquet et Gulsen Yildirim n'auront même pas pu soumettre leur nom au vote des militants qui ont eu le choix entre un homme et un homme. Pourtant, toutes deux avancaient un sérieux bagage.
Légitimité. La première est maire du Palais-sur-Vienne, conseillère départementale réélue et présidente du groupe socialiste. «Il me semblait que ma candidature n'était pas dénuée de sens, ni de légitimité, mais quand j'ai constaté qu'elle créait un certain émoi, j'ai hésité. Il fallait faire vite, je me suis retirée. J'ai été impulsive, je sais que j'ai déçu des élus et des militants», confesse Isabelle Briquet. Et de regretter au passage, elle aussi, les commentaires de la présidente sortante : «Trancher ainsi et écarter l'hypothèse d'une candidature féminine… je trouve ça regrettable.»
La seconde, Gulsen Yildirim, affiche également un profil intéressant à plus d'un titre. Jeune, issue de la diversité, elle incarne la self made woman à la française. Militante associative de longue date, maître de conférences en droit, numéro 2 de la fédération, elle fut aussi conseillère du maire de Limoges, et a pour elle d'avoir été très confortablement réélue dimanche soir. «Depuis la perte de Limoges, les revers s'accumulent et, malgré sa victoire, le PS est grignoté. On le voit dans la capitale régionale où il a perdu deux cantons historiques, dont celui de l'ancien maire», souligne une militante. «Gulsen, c'était le renouveau. Elle avait les épaules pour porter un projet, une vision pour ce département qui en aura bien besoin dans la perspective des grandes régions. Mais, voilà, ça n'est pas une femme d'appareil», rapporte-t-elle.
Solidarité. Loyale, mais pas servile, tel aurait été son tort. Socialiste dévouée, Gulsen Yildirim ne souhaite pas commenter ce que d'autres, sous couvert d'anonymat, qualifient de «psychodrame». «La politique, c'est brutal. C'est un jeu de pouvoir et de rapports de forces avant tout», estime l'élue écartée de la course à la présidence par des jeux internes au PS local. «Ma liberté de parole, je l'exerce pleinement. Si demain, cela ne me convenait pas, je partirais. En attendant, j'ai un devoir de solidarité envers le candidat désigné», résume Yildirim. Dans les coulisses de la future assemblée, il se murmure qu'elle pourrait se voir attribuer une vice-présidence. Mais le poste de président reviendra à un homme : Jean-Claude Leblois, adoubé par une certaine Marie-Françoise Pérol-Dumont.