Dans son rôle de grand rassembleur, Nicolas Sarkozy se fait fort de rallier à sa cause - celle de «l'unité» - beaucoup de ceux qui avaient rejoint l'UDI de Jean-Louis Borloo. A grand renfort de promesses et de tractations, l'affaire est déjà bien engagée. Plusieurs parlementaires centristes, à commencer par ses anciens ministres François Sauvadet, Hervé Morin et Maurice Leroy, ont d'ores et déjà apporté leur soutien au principe d'une élection primaire pour choisir le candidat commun de la droite et du centre en 2017. Nul doute que ces convertis applaudiront chaleureusement à la création des «Républicains», ce «vaste rassemblement» dont le congrès fondateur est prévu le 30 mai. De cette nouvelle alliance avec la droite, il sera beaucoup question ce samedi au conseil national de l'UDI. Les débats risquent d'être animés.
Par quel miracle des centristes viendraient-ils se prosterner devant Sarkozy, alors même que ce dernier vient de renouer, lors de sa campagne départementale, avec les accents droitiers qui avaient justifié, en 2012, la création de l'UDI ? Le chef de l'UMP a de solides arguments à faire valoir : c'est lui, et lui seul, qui a le pouvoir de distribuer les fauteuils très convoités de présidents des assemblées régionales qui seront conquis en décembre. Lui encore qui aura, en 2017, le pouvoir d'empêcher la réélection des députés centristes récalcitrants. De quoi balayer bien des scrupules idéologiques. Alain Juppé aura beau multiplier les gages de tempérance et d'équilibre, il lui sera difficile de lutter contre de tels arguments. Le patron de l'UDI, Jean-Christophe Lagarde, paraît bien seul à s'émouvoir des «positions antieuropéennes» du numéro 3 de l'UMP, Laurent Wauquiez, candidat à la présidence de Rhône-Alpes-Auvergne. Il a toutefois démenti vendredi l'avoir qualifié de «cryptolepéniste», ainsi que le rapportait Challenges.
Addition. Ses collègues de l'UDI sont beaucoup moins véhéments. Si elle reste à son niveau des départementales, l'opposition peut espérer gagner en décembre près d'une dizaine des treize nouvelles grandes régions. Sarkozy serait prêt à en donner trois à l'UDI. Plusieurs responsables de l'UMP trouvent l'addition sans commune mesure avec le poids réel du parti centriste.
Mais pour Sarkozy, ce deal n'a pas de prix. Il fait de lui l'artisan de la réconciliation et contribue à affaiblir Juppé en donnant à un candidat UDI la possibilité de faire de la figuration à la primaire pour 2017. Pour les régionales, les trois heureux bénéficiaires d'un tel accord seraient les députés Hervé Morin (Normandie), Philippe Vigier (Centre) et François Sauvadet (Bourgogne - Franche-Comté). Dans cette hypothèse, Sarkozy devra décevoir ceux qui espèrent porter les couleurs de l'UMP dans ces trois régions : Françoise Guégot, Guillaume Peltier et Alain Joyandet. Le sacrifice de l'ex-jeune frontiste Peltier, très contesté à l'UMP, ne devrait pas trop poser problème. Celui de Joyandet risque d'être plus douloureux. Il est en campagne depuis quatre mois et assure avoir été «encouragé à persévérer» par l'ancien chef de l'Etat, dont il est très proche.
A l'UDI, l'attrayante offensive de Sarkozy a réveillé la guerre larvée entre chapelles centristes, tout particulièrement entre Jean-Christophe Lagarde et Hervé Morin, qui se sont affrontés pour la succession de Jean-Louis Borloo. Morin, ancien ministre de la Défense et ex-patron du Nouveau Centre, une des composantes de l'UDI, est allé plus vite que la musique. Sans attendre la décision du bureau politique de l'UMP sur les modalités d'organisation de la primaire, il a jugé indispensable que «l'UDI participe à ces primaires» pour tenter de peser sur le choix du candidat du centre droit à la présidentielle. Morin exclut de se lancer lui-même dans cette compétition. Mais en se ralliant à la primaire, il sait qu'il rend service à l'ancien locataire de l'Elysée. Toute candidature issue de la galaxie centriste sera susceptible de prendre des voix aux adversaires d'un Sarkozy campé sur une ligne très droitière. Pour la présidence de la Normandie réunifiée, il peut compter sur le soutien des poids lourds de l'UMP locale, les députés Bruno Le Maire et Edouard Philippe.
Visées. Cerise sur le gâteau, Morin se fait un plaisir de mettre en difficulté son rival Jean-Christophe Lagarde qui s'est fait élire à la tête de l'UDI en jurant de défendre l'indépendance du centre face aux visées hégémoniques de l'UMP. Pour ce dernier, les discussions sur d'éventuelles alliances électorales doivent se mener région par région. Et l'unité ne s'impose que là où la menace FN existe. Le député maire de Drancy (Seine-Saint-Denis) n'oppose pas une fin de non-recevoir au principe d'une primaire ouverte dans laquelle «l'UDI pourrait défendre ses idées». Mais il maintient que le débat sur la participation de son parti est prématuré : «Nous aurons un congrès au printemps 2016 qui décidera de ce que nous ferons.»
Faux suspense, en vérité. Car personne ne doute que le patron des centristes finira, lui aussi, par accepter le marché de Sarkozy : des présidences de régions et des circonscriptions en échange d’un ralliement à la primaire. Le prix de la survie d’un centre satellisé par le nouveau parti sarkozyste.