Menu
Libération
Analyse

Régionales : Bartolone refuse de dénouer le sac de nœuds francilien

L’Elysée espérait voir le président de l’Assemblée nationale résoudre le duel entre Jean-Paul Huchon et Marie-Pierre de la Gontrie. Mais pour «Barto», c’est non. Pour l’instant.
Claude Bartolone le 13 janvier 2014 à Bondy (Seine-Saint-Denis).
publié le 22 avril 2015 à 20h06

Un troisième homme vous manque et tout est compliqué. Pressé par l’exécutif de se présenter aux régionales en Ile-de-France, en décembre, histoire de déminer une primaire virant à la pétaudière, Claude Bartolone a annoncé mardi soir à François Hollande qu’il n’était finalement pas preneur. Entre une visite officielle à Rome et un déplacement en Nouvelle-Calédonie, le président de l’Assemblée a dîné avec le chef de l’Etat à l’Elysée pour lui expliquer que les conditions n’étaient pas réunies pour lui.

Maelström. Pour Hollande, c'était pourtant une excellente solution. Eloignant le spectre d'un duel délétère entre Jean-Paul Huchon, président sortant et candidat tous crocs dehors à un quatrième mandat en dépit des statuts du PS qui l'interdisent, et sa première vice-présidente Marie-Pierre de la Gontrie, qui s'est lancée en décembre dernier. Manuel Valls, lui, ne pouvait pas voir d'un mauvais œil une candidature Bartolone, neutralisant celui qu'une partie de la majorité présente comme le seul en mesure de le remplacer à Matignon. Pour ajouter un peu de piquant à ce maelström, les deux principaux lieutenants du Premier ministre soutiennent chacun un candidat et interprètent chacun le forfait de «Barto» en leur faveur. «Il n'y a plus d'obstacle à une candidature de rassemblement des socialistes. Toute la division orchestrée par des camarades fâcheux doit cesser», plaide Carlos da Silva, député de l'Essonne et partisan de Huchon. Mais pour Luc Carvounas, Marie-Pierre de la Gontrie est plus à même de faire l'union à gauche, avec les communistes et les écologistes. Et puis, «le rapport de forces interne et la dynamique sont en sa faveur, insiste le sénateur-maire d'Alfortville. Elle représente une offre politique nouvelle au moment où les électeurs ont besoin et envie de ça.» Là-dessus, Julien Dray, écarté des listes départementales en mars, s'est mis à menacer le PS d'une candidature dissidente si Marie-Pierre de la Gontrie remportait la primaire fin mai, tandis que la section PS de Conflans-Sainte-Honorine, fief historique de Jean-Paul Huchon, s'est rangée derrière la vice-présidente de la région. Bref, à huit mois du scrutin, c'est le bazar total à gauche dans la région la plus peuplée (et la plus riche) de France.

Pour nombre de dirigeants régionaux, c'est la faute de «l'étage du dessus», celui de l'exécutif. Dès le mois de septembre 2012, Claude Bartolone avait fait passer à l'Elysée une note sur le problème de l'Ile-de-France, pyramide des âges et alliances potentielles à gauche à l'appui. «Hollande et Valls sont au courant depuis toujours et ils ont choisi de ne pas choisir. C'est de la politique du chien crevé au fil de l'eau», lâche une élue. «Malgré des appels du pied avec ses chaussures en pointure 70, Huchon n'a pas réussi à se faire recaser ailleurs», balance un proche de Marie-Pierre de la Gontrie. Tout s'est emballé autour d'un sondage secret commandé par le PS et révélé samedi par Libération. Selon cette étude Harris Interactive portant sur le premier tour, avec 21% d'intentions de vote, Jean-Paul Huchon, Claude Bartolone et l'ancien ministre Benoît Hamon arrivent tous trois à égalité face à la candidate de l'UMP Valérie Pécresse, créditée de 25% des suffrages. «Il n'y a pas de sauveur» socialiste et donc exit Bartolone, s'est empressé de clamer le camp Huchon. Quand l'équipe Bartolone a surtout insisté sur la partie qualitative du sondage, nettement plus favorable au président de l'Assemblée, notamment sur sa capacité à rassembler toute la gauche francilienne. Les soutiens de Marie-Pierre de la Gontrie, eux, se sont réjouis qu'elle ne soit «que» trois points (à 18%) derrière de «telles personnalités nationales dont le président de la région depuis dix-sept ans». Pour un ministre, cette étude montre surtout que «Huchon et de la Gontrie ont de faibles chances, pas loin d'être équivalentes, de l'emporter face à Pécresse et qu'il nous faut un candidat capable de rassembler toute la gauche ou de mettre les écolos en slip s'ils se présentent contre nous quand même». Entendez Bartolone. Selon plusieurs sources socialistes, le deuxième tour a également été testé par le PS et donne une légère avance à la droite quel que soit le candidat de gauche. Il n'en faut pas plus aux partisans de Huchon pour accuser «Barto» de lâcheté.«Il ne va pas lâcher la proie pour l'ombre», autrement dit la présidence de l'Assemblée contre une défaite potentielle en décembre, raille un proche de Huchon.

Hic. Vu la progression de la droite aux municipales et aux départementales en Ile-de-France, «Bartolone veut des garanties», reconnaît un ancien ministre. Comme pouvoir rester au perchoir pendant la campagne, l'automne prochain, et y rester en cas d'échec. Voire s'assurer qu'il n'y aura pas de primaire s'il finissait par céder aux sirènes de l'exécutif. Le hic, c'est que le PS est en pleins préparatifs pour son congrès. A l'heure où chaque courant fait campagne au sein d'un parti qui s'enorgueillit d'être un parangon de démocratie interne, il paraît difficile, pour ne pas dire impossible, de débrancher une consultation militante, prévue le 28 mai. Pour que la saga prenne fin, il manque encore deux épisodes qui peuvent être autant de rebondissements. Le retrait de Bartolone est-il définitif ? Et si oui, à qui apportera-t-il son soutien ?