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Libération
Duel

Relation polluée avec Hidalgo

La ministre de l’Ecologie et la maire de Paris s’affrontent sur plusieurs dossiers, dont ceux de la circulation alternée et de l’extension de Roland-Garros.
(Dessin Laurent Blachier)
publié le 24 avril 2015 à 19h56

Quand on interroge des interlocuteurs sur les rapports difficiles entre la ministre de l'Ecologie, Ségolène Royal, et la maire PS de Paris, Anne Hidalgo, il ne manque pas de mufles pour résumer ça à «une querelle de bonnes femmes». Un proche de la maire de la capitale, plus subtil, préfère évoquer «une rivalité au sein du Parti socialiste. Ségolène Royal ne supporte pas que quelqu'un d'autre prétende porter l'écologie au PS». Or là-dessus, Anne Hidalgo ne se prive pas d'exister. Elle en a fait un marqueur de son mandat, avec un plan de lutte contre la pollution plus vigoureux que ce que ses prédécesseurs avaient tenté. «Hidalgo apparaît comme une militante sérieuse sur ces sujets, estime le même. Et en plus, sa cote grimpe dans les sondages.» L'attitude de Royal se révèle à l'inverse «imprévisible» à l'un de ses familiers, qui affirme qu'elle «est capable de changer d'avis du jour au lendemain selon les opportunités».

Trêve. Il arrive toutefois que les deux soient d'accord. En février, la ministre de l'Ecologie approuvait l'adoption par le Conseil de Paris du plan de Hidalgo de lutte contre la pollution. Courte trêve.

Fin mars, la montée des particules fines dans l'air y met fin. Vu de dehors, on assiste à une bataille de tweets et de déclarations sur la circulation alternée. Paris ne peut pas l'appliquer sans le feu vert de l'Etat, autrement dit de Ségolène Royal. Qui n'est pas si pressée. Elle évoque la «galère imposée à la banlieue», son hostilité aux «décisions punitives», tandis que la maire réplique avec «la santé des Parisiens» qui, tweete-t-elle, «ne se négocie pas». Finalement, François Hollande tranche et accorde à la maire de Paris un lundi de circulation alternée (au lendemain du premier tour des départementales) et plus si le temps le permet. Le mardi, le vent évacue les polluants et met fin aux hostilités. Jusqu'à un nouvel épisode de pollution, début avril, et un nouvel échange d'amabilités.

Au-delà des facteurs d'«inimitié», comme disent les plus charitables, les deux politiques expriment deux visions de l'écologie, entre le refus du «punitif» cher à la ministre et l'obsession de la santé défendue par la maire. Ségolène Royal estime qu'en mars les seuils d'alerte n'étaient «même pas atteints» et que la circulation alternée n'était pas la solution. Surtout lorsqu'elle consiste à pénaliser la banlieue. Hidalgo défend qu'une mesure d'urgence comme celle-là est désormais comprise par la population et que son plan de lutte rencontre une large approbation en Ile-de-France, sondages à l'appui. Il est vrai que le 23 mars, jour de la circulation alternée, on n'a guère entendu les élus de petite ou de grande couronne protester en masse. Le silence de Manuel Valls, certes Premier ministre mais également ancien élu de l'Essonne, était, lui, assourdissant.

Bisbilles. Pourtant, Valls s'en mêle parfois. Le dossier de l'extension du stade de tennis Roland-Garros sur le jardin des serres d'Auteuil lui en a donné l'occasion. Après une longue série de recours et de contre-recours, ce projet d'extension, soutenu par Hidalgo, avait finalement été validé fin 2013. Royal, tutelle de la protection des sites, n'en veut pas et fait valoir sa mission de préservation des espaces verts. Utilisant les moyens dont elle dispose, elle commande une étude au conseil général de l'environnement et du développement durable, qui conclut à la faisabilité d'un «projet alternatif». La ministre compte bien le faire avancer. Manuel Valls lui écrit qu'il n'en est pas question. Ségolène Royal passe outre, convoque une réunion de la Commission des sites… et retire le dossier de l'ordre du jour au dernier moment. On ne peut pas tout oser. D'autant moins que le Premier ministre est déterminé : derrière Roland-Garros, il voit la candidature de Paris aux JO 2024, qui ne doit pas être entachée par des bisbilles.

Même si les intéressées tentent de tenir leur langue en public, parfois le coup part tout seul. En octobre 2014, Ségolène Royal annonce la mort de l'écotaxe. A Paris, on travaillait depuis deux ans sur un usage expérimental des portiques du périphérique afin de taxer les poids lourds en transit. Terminé l'expérimentation, et sans sommation. Anne Hidalgo est furieuse. Devant la presse, elle parle de «mauvaise manière», de «travail pas sérieux». Six mois plus tard, au moment de la circulation alternée, Royal s'énerve aussi. «A Paris, il y a beaucoup d'annonces mais pas beaucoup de changements.» Il y a dix jours, au salon des maires d'Ile-de-France, Anne Hidalgo a glissé un message sur la pollution : «Je suis bien contente d'avoir mis les pieds dans le plat.» A bon entendeur.