C'est ce que Jean-Marie Le Pen appelle «la loi des embêtements cumulatifs». Selon Mediapart, le président d'honneur du Front national serait au centre d'une nouvelle affaire financière visant le parti d'extrême droite. En cause : un «compte caché» qu'il aurait détenu, jusqu'en mai 2014 au moins, auprès de la banque suisse HSBC, puis de la Compagnie bancaire helvétique (CBH). Ce compte aurait été crédité de 2,2 millions d'euros, dont 1,7 million en lingots et pièces d'or. Selon Mediapart, ces éléments ont été transmis au parquet de Nanterre (Hauts-de-Seine) par la cellule antiblanchiment Tracfin, rattachée à Bercy.
«Majordome». Le compte incriminé serait détenu via un trust basé aux îles Vierges britanniques et géré depuis Genève par l'avocat Marc Bonnant. En mai 2014, le compte aurait été transféré de HSBC à la CBH, et serait désormais localisé aux Bahamas. Son responsable légal serait un assistant personnel de Jean-Marie Le Pen, Gérald Gérin. Souvent présenté comme le «majordome» du président d'honneur frontiste, Gérin, 41 ans, aime à préciser qu'il s'occupe des «tâches usuelles, mais non ménagères». Plusieurs fois candidat sous les couleurs du FN, l'homme est aujourd'hui conseiller régional de Paca et assistant parlementaire de l'eurodéputée Marie-Christine Arnautu. Il est enfin trésorier de deux micropartis soutenant financièrement le Front national : Cotelec et Promelec.
Interrogé par Mediapart, Gérald Gérin a nié être l'ayant droit du compte. Contacté par Libération, Jean-Marie Le Pen à fait savoir qu'il ne souhaitait pas réagir à ces informations pour le moment. Par ailleurs, son épouse, Jany, aurait elle-même clôturé un compte au Crédit suisse en 2008.
Ce dossier s'ajoute au bouquet d'affaires financières qui menace actuellement le FN. A commencer par l'enquête du parquet de Paris sur une escroquerie présumée au préjudice de l'Etat, qui impliquerait Jeanne - un microparti dirigé par des proches de Marine Le Pen ; cinq personnes et une société ont déjà été mises en examen dans ce dossier, dont le trésorier de la structure.
Une autre enquête concerne certains assistants parlementaires européens du FN, soupçonnés d’avoir été payés à temps plein par Strasbourg alors qu’ils se consacreraient avant tout aux activités nationales du parti. Début avril, c’est le groupe socialiste à l’Assemblée qui a demandé l’ouverture d’une commission d’enquête sur les prêts d’origine russe obtenus en 2014 par le FN, possiblement en «remerciement» du soutien apporté par le parti à Vladimir Poutine. Fin 2013, enfin, le parquet de Paris avait ouvert une enquête préliminaire sur les déclarations de patrimoine de Jean-Marie Le Pen après un signalement de la Commission de la transparence financière de la vie politique. Celle-ci avait relevé un enrichissement suspect entre 2004 et 2009 de l’ex-président du Front national.
«Rivarol». Une bien mauvaise série pour le parti, régulier contempteur de la corruption des élites, et qui prétend, lui, avancer «mains propres et tête haute». Ces péripéties s'ajoutent à de fortes turbulences internes, à la suite des récents propos de Jean-Marie Le Pen au journal Rivarol. Le président d'honneur du FN sera bien présent vendredi 1er mai lors du traditionnel défilé d'hommage à Jeanne d'Arc, mais il n'y prendra pas la parole. Il doit ensuite comparaître, le 4 mai, devant le bureau exécutif du parti qui pourrait décider de le sanctionner.