Interdire l’incivisme ? Dans un régime de liberté, la chose peut surprendre. On entend d’ici l’argument massue des adversaires du vote obligatoire : si la classe politique veut plus d’électeurs, qu’elle commence par se réformer elle-même. Le reste viendra tout seul. Mais sur le principe, qu’y aurait-il de choquant à contraindre - sous peine de sanctions légères, évidemment - les électeurs à se prononcer sur leurs propres affaires, au lieu de refuser de voter pour ensuite incriminer de manière fruste telle ou telle loi, telle ou telle décision gouvernementale ? Comme on disait naguère : les problèmes politiques sont les problèmes de tout le monde ; les problèmes de tout le monde sont des problèmes politiques. Nos voisins belges usent de cette règle depuis plus d’un siècle. Alors même que les sanctions ne sont pas appliquées, ils votent à 90% en moyenne. Poujadisme hors-la-loi ? Ce serait un progrès. A une réserve près : l’obligation doit être à double sens. La mesure n’a de sens qu’incluse dans une série de réformes propres à relégitimer la classe politique. Pour qu’on oblige les citoyens au civisme, il faut que les élus commencent. Les propositions ne manquent pas : limitation du nombre de mandats, introduction de la proportionnelle partielle, réduction du nombre d’élus, revalorisation du Parlement, généralisation des mécanismes de démocratie directe dans les territoires…
Dans une république réformée, les citoyens auront moins de raisons de voter avec leurs pieds. Après tout, s’ils sont mécontents de leurs élus, il leur est loisible d’en changer. Au lieu d’affaiblir par leur absence un système qu’ils seraient les premiers à regretter s’il disparaissait.