Menu
Libération
Interview

Pierre Laurent : «Tsípras s’en tient au mandat reçu du peuple»

Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, regrette que Paris n’ait pas soutenu le Premier ministre grec:
Pierre Laurent à Paris en juillet 2014. (Photo AFP)
publié le 28 avril 2015 à 20h06

Patron des communistes français, Pierre Laurent est aussi président du Parti de la gauche européenne, dont le numéro 2 est le Premier ministre grec, Aléxis Tsípras. Selon lui, la figure de la gauche radicale européenne «tiendra bon».

Quel bilan tirez-vous après trois mois de gouvernement Syriza ?

Le gouvernement d’Aléxis Tsípras a fait en trois mois ce que François Hollande n’a pas été fichu de faire en trois ans en France. Il s’en tient au mandat qu’il a reçu du peuple grec. Il a sorti la Troïka du pays, fait voter une loi humanitaire rétablissant notamment l’électricité pour 300 000 Grecs qui en avait été privés, et mis en place l’aide alimentaire dont nombre de ses compatriotes avaient besoin. Enfin, il fait face avec courage à l’intransigeance des dirigeants de l’UE et de la Banque centrale européenne.

Vous attendiez plus de soutien de la part de la France ?

Notre gouvernement n’est pas au rendez-vous de cette bataille cruciale. François Hollande a fait des déclarations mais n’a jamais appuyé les demandes grecques. La France laisse jouer la logique du «tous contre un».

Vous ne craignez pas que Tsípras soit finalement contraint à mener une politique de rigueur ?

Le gouvernement grec a toujours dit qu’il refuserait la compromission mais serait prêt à des compromis. Ce sont les dirigeants européens qui refusent toute négociation intelligente ! Les déclarations faites par Aléxis Tsípras lundi soir sont claires : il ne renoncera pas au mandat reçu du peuple. Le choix démocratique des Grecs doit être respecté. La politique menée par les prédécesseurs de Syriza en Grèce a mené à la faillite. Pourquoi faudrait-il prendre le relais d’une politique de faillite ?

On dit Tsípras ouvert aux privatisations…

Ce sont des pressions. Mais il n’y aura ni dérégulation du marché du travail, ni atteinte au niveau des retraites, ni privatisations. Tsípras tiendra bon.

La mise à l’écart de Yánis Varoufákis, le ministre grec de l’Economie, dans les négociations européennes n’est pas non plus un bon signe…

Il n’est pas mis à l’écart puisqu’il va superviser le travail de la nouvelle équipe. Et puis la Grèce a aussi besoin de son ministre de l’Economie pour remettre en marche le pays, et pas seulement pour négocier avec les autres pays de la zone euro.

D’autres pays européens disent que si le peuple grec doit être respecté, les leurs, qui ont fait des efforts, aussi…

La Grèce a fait de terribles efforts. Personne ne peut le contester. Une part considérable de la population a sombré dans la pauvreté à cause des politiques menées avant l’arrivée au pouvoir de Syriza. Or, une grande part des aides accordées à la Grèce a fini directement dans les poches des grandes banques européennes. Notamment françaises. Les pays de l’Union européenne devraient d’abord demander des comptes à leurs propres banques pour que cesse le racket des créanciers de la Grèce.

La solution passe forcément par un abandon de la dette en Grèce ?

La restructuration de la dette grecque est nécessaire pour la Grèce, mais aussi pour l’Europe. A ce sujet, à l’initiative des députés communistes, l’Assemblée nationale débattra jeudi d’une proposition de résolution européenne pour demander une conférence européenne sur la dette. Nous verrons ce que dira le gouvernement.

Vous ne craignez donc pas de connaître, dans les mois qui viennent, une désillusion en Grèce pour votre famille politique européenne ?

Non. Depuis le début, nous sommes aux côtés du gouvernement grec et nous réaffirmons notre solidarité. La direction du Parti de la gauche européenne a lancé une campagne intitulée Triple A : Alliance Against Austerity [«Alliance contre l'austérité»]. Les forces de la gauche européenne sont bien décidées à jeter toutes leurs forces dans cette bataille. D'abord en étant présente lors des manifestations du 1er mai à Athènes. Puis, les 30 et 31 mai à Paris, lors d'un Forum européen des alternatives. Dix ans après le non français au traité constitutionnel européen, nous proposerons des alternatives solidaires pour toute l'Europe.