Promis, il n'en est pas à négocier son lot de consolation post-Ile-de-France. Ni avec Claude Bartolone, candidat sorti du chapeau la semaine dernière, qu'il a vu lundi pour lui céder bon gré mal gré son maillot de champion socialiste. Ni avec François Hollande, avec lequel il s'est entretenu mercredi à l'Elysée. Jean-Paul Huchon, mis hors jeu mercredi dernier après trois mandats à la tête du conseil régional, dit ne pas encore envisager la suite. «Je n'ai rien à dealer», assure-t-il à ses proches. Un fauteuil au Conseil économique, social et environnemental ? «On en a discuté, il n'est pas super preneur», glisse un proche. Un hypothétique portefeuille ministériel ? Huchon a fait une croix dessus. «Il y a un décalage entre son ressenti et ce qui transparaît de lui. On ne l'achète pas pour un paquet de sucre»,dit un proche. Avant de revendiquer un pantouflage, l'opiniâtre de 68 ans, qui a coutume de dire «tant que je ne suis pas mort… je ne suis pas mort», doit d'abord digérer le revers.
Il y a dix jours, Huchon pensait encore pouvoir faire plier sa rivale et première vice-présidente au conseil régional, Marie-Pierre de La Gontrie. Les deux ex-strauss-kahniens étaient partis pour s'affronter lors d'une primaire fixée au 28 mai. Huchon était convaincu qu'il gagnerait, «pas avec un score de chef d'Etat africain, mais il l'aurait emporté», veut croire un soutien. «Marie-Pierre était trop faible pour gagner mais trop forte pour être négligée», prévient un dirigeant PS. Et au sommet de l'Etat, on s'inquiète de voir les numéros 1 et 2 d'Ile-de-France s'étriper, baston qui affaiblirait le candidat désigné par les militants. Le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, et Claude Bartolone tentent une ultime conciliation lors d'un déjeuner à quatre à l'hôtel de Lassay, résidence du président de l'Assemblée nationale. «Bartolone leur dit : "Il faut que vous trouviez une solution"», raconte un cadre PS. Une proposition est sur la table : un ticket Huchon-La Gontrie avec un passage de relais en cours de mandat. Le premier accepte, pas la seconde, qui veut porter la candidature et laisser à l'élu des Yvelines les manettes du Stif, le syndicat des transports de la région. Huchon refuse mais sort, persuadé d'avoir fait «une proposition honnête» : «J'ai montré que j'étais ouvert alors que j'en prends plein la gueule», rapporte-t-il à ses équipes.
Huchon sait qu’à quelques jours de la date limite du dépôt des candidatures internes, l’hypothèse d’un «troisième homme» circule. Celle d’une candidature de l’ex-ministre Benoît Hamon monte. Un scénario inacceptable pour l’exécutif, se rassure le sortant. Et le matin du déjeuner à Lassay, Huchon, qui a accompagné le député des Yvelines dans un lycée de Trappes ne l’a pas trouvé spécialement déterminé. Quant à une candidature de Bartolone, elle est censée avoir été enterrée mi-avril, quand le président de l’Assemblée a fait savoir à Hollande qu’il n’irait pas.
Plié. Pourtant, mercredi, prenant tout le monde de court, Bartolone se lance. Dans l'après-midi, Hamon a mis ses proches au courant. La rumeur monte jusque dans les bureaux du conseil régional. «Mais comme beaucoup de bruits circulent, explique un de ses amis, ce n'est que lorsqu'il a Bartolone au téléphone que Jean-Paul comprend vraiment.» C'est plié. Pendant que le patron PS de la Seine-Saint-Denis se déclare publiquement et engrange les soutiens, Huchon encaisse. Tard dans la soirée, dans un communiqué, il temporise et explique qu'il va «échanger» avec son concurrent dans les prochains jours. A son équipe, il lâche, amer : «Avant d'être candidat, j'ai tous été les voir, ils m'ont tous dit d'y aller.» Valls ne lui avait-il pas apporté son soutien ? Et Hollande, qu'il a accompagné en Arménie pour les cérémonies du centenaire du génocide, ne lui a pas demandé de passer la main ? A moins qu'il ait refusé d'écouter les réserves sur le risque du mandat de trop, un quatrième, à l'encontre des règles fixées par le PS, ou sur l'amende dont il a écopé pour un litige sur les comptes de sa campagne de 2010.
Jeudi, le lendemain, Huchon est devant la presse… pour parler de la candidature de Paris aux JO de 2024. Le voilà vantant, déconfit, les valeurs olympiques. Ouvrant la séance plénière avec les élus régionaux, le président s'autorise un trait d'humour et fait partager son horoscope du jour particulièrement approprié : «Cœur : Vous passerez une journée pleine de gaieté ! Réussite : des occasions pourraient se présenter, permettant de consolider votre position. Forme : faites un check-up.» Les astres ne lui dictent néanmoins pas sa ligne de conduite. Se rallier ou pas ? Quand ? Huchon consulte, embarque l'EE-LV Jean-Vincent Placé pour dîner. «Il faut que tu te rallies mais que tu aies une discussion politique avec eux», lui conseille un soutien. Conscient qu'il perdrait une primaire face à Bartolone, «Huchon est dans une phase d'acceptation… mais avec des moments compliqués, deux pas en avant, un pas en arrière», note un PS francilien. D'où son interview au Monde le lundi, où pointe un «léger» ressentiment : «Je suis le patron d'une région de 12 millions d'habitants et j'ai gagné trois fois la région. On ne me traite pas comme une serpillière.» En dépit de ce ton peu engageant, Huchon n'imagine pas de monter au front contre Bartolone, qu'il doit rencontrer le jour même au conseil régional. «Il n'est pas un candidat lambda, il n'est pas dans une logique de ralliement, il n'a pas d'intérêt à faire allégeance illico pour gagner un poste», décrypte un proche.
SMS. Mais, miracle, quelques heures plus tard, le sortant et le candidat signent un communiqué commun pour se féliciter des «conditions du rassemblement aujourd'hui réunies». L'élu des Yvelines et celui de Seine-Saint-Denis se fréquentent de longue date, des liens «amicaux» selon leurs entourages, qui ont sans doute contribué à éviter le psychodrame. Le président de l'Assemblée, qui lui donne du «cher Jean-Paul» et signe d'un «je t'embrasse. Barto» ses SMS, sait qu'il ne peut faire campagne sans le sortant. Des projets communs, telle une tribune, sont dans les tuyaux. «Barto a besoin de Jean-Paul, prévient un proche. Il faut qu'il l'accompagne, il garde un pouvoir de nuisance jusqu'en décembre.» En politique, tant qu'on n'est pas mort…