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Un président à tort ou à région

Rocardien et fédéraliste, Jean-Paul Huchon a longtemps rejeté la métropole avant de se résigner, mettant à mal son leadership.
publié le 13 mai 2015 à 20h06

C’est l’histoire du type qui, à la fin, se retrouve toujours seul. Ce qui vient de se jouer en quelques jours pour enlever à Jean-Paul Huchon tout espoir de quatrième mandat n’est au fond que le remake en accéléré de ce qu’il a vécu comme président de la région. Sur le nouveau métro comme sur le dossier de la métropole du Grand Paris, à chaque fois, Huchon partit en troupe mais ne vit arriver aucun renfort. Dès lors, que faire ? Se rallier. Au risque de suivre avec des pieds en plomb.

A chaque fois, le chef de l'exécutif régional aime à s'afficher en adversaire résolu. Le projet d'une rocade de métro autour de la capitale que la RATP appelle Métrophérique ? Lui le rebaptise «métro féerique». Les études ont beau montrer l'explosion des déplacements de banlieue à banlieue, Huchon défend que la région n'aura plus un euro à investir sur le réseau existant si elle se lance dans cette folie. L'élu est d'autant plus braqué qu'en 2008, l'idée d'une rocade est devenue celle de Nicolas Sarkozy. Mais, au fil des mois, la position devient difficile à tenir. Comment refuser un investissement qui, d'évidence, soulagerait la banlieue ?

Borné mais pas idiot, Jean-Paul Huchon va faire de son obstination un instrument de négociation : j'accepte votre nouveau métro mais vous me remettez en état mes lignes de RER. Le 26 janvier 2012, il signe avec le pouvoir de droite un accord actant ce deal, «un accord historique», proclamera-t-il régulièrement par la suite. Désormais, le voilà le meilleur partisan du métro Grand Paris Express. «La réalité, disait-il à Libération en 2013, c'est qu'on a changé de projet et que je suis le seul capable de le porter.»

Monstre. Au demeurant, lorsque la gauche arrive au pouvoir, Jean-Marc Ayrault puis Manuel Valls confirment les engagements financiers de l'Etat sur les transports. Jean-Paul Huchon l'interprète comme un soutien, bien que les pouvoirs publics soutiennent sûrement autant les éléments de croissance de l'Ile-de-France que la personne de son président.

Plus dure, et plus politique, est l'histoire de la métropole. Dès que la question d'une gouvernance de la zone centrale de l'agglomération émerge dans le débat public, au début des années 2000, Jean-Paul Huchon part en guerre contre cette idée. «La métropole, c'est la région», va-t-il répéter, même si un village de Seine-et-Marne ne rencontre pas les problèmes de La Courneuve. La plupart des régionalistes sont contre la métropole et Huchon peut à bon droit se sentir soutenu dans ce combat.

Mais dans son camp politique, chez les socialistes, c'est le grand lâchage. Bertrand Delanoë, partisan de la métropole, cache à peine à quel point le président de la région l'agace. «On ne veut pas brutaliser la région mais on se demande si Jean-Paul Huchon va atterrir», persifle un élu de l'exécutif parisien (aux vœux de Huchon). En 2012, Claude Bartolone, à l'époque président de la Seine-Saint-Denis, préconise la fusion de son département avec les trois qui l'entourent(Hauts-de-Seine, Val-de-Marne et Paris). Un monstre de plus de six millions d'habitants au cœur de la région… Cauchemar.

Couronne. En 2013, alors que le gouvernement Ayrault prépare une loi sur les métropoles entérinant celle du Grand Paris, qui soutient encore Jean-Paul Huchon dans son régionalisme ? Pas grand monde. Faible consolation : les socialistes d'Ile-de-France s'écharpent sur la forme à donner à la future instance. Mais la métropole avance, soutenue par Anne Hidalgo, qui signe une tribune en ce sens. Et provoque par là le ralliement de Jean-Paul Huchon. «La région ne peut pas rester à l'écart de ce mouvement», reconnaît-il in fine dans une interview à Libération. ll l'a résumé lors d'un entretien ultérieur : «J'ai fini par me résoudre à accepter la métropole.»

Cette position résignée n'est pas l'idéal du leadership. La région a beau avoir un bilan, tout se passe comme si personne ne l'incarnait. Ailleurs, quand une ville construit un tramway, le maire joue sa réélection. En Ile-de-France, où la région a construit bientôt dix lignes de tramway sur 120 kilomètres, le plus gros réseau du pays, qui se souvient que c'est Jean-Paul Huchon qui a coupé les rubans ? Certains élus appellent ironiquement Huchon le «prince de la grande couronne». Rocardien, fédéraliste, l'ancien maire de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines) défend que la vocation de la région est «d'organiser l'aménagement du territoire entre petite et grande couronne avec une solidarité de la petite vis-à-vis de la grande». Pour lui, les métropoles ne sont pas la solution. En cela, de fait, il est bien seul.