C'est Tintin à la compagnie 39 de CRS de Jarville-la-Malgrange (Meurthe-et-Moselle). Une bande dessinée amateur «jugée raciste et antisémite», caricaturant les opérations des hommes de la compagnie après les attentats de janvier, suscite une polémique. Les frères Kouachi y sont appelés «les frères Arachide» et représentés sous la forme de passoires ensanglantées. Le commandant est dessiné avec une kippa car «il va souvent en vacances en Israël», suppute un membre de la compagnie. «On rentre allah caserne», lit-on en guise d'épilogue.
Dans cette BD révélée par le Point, les CRS y sont eux-mêmes dessinés de manière peu flatteuse, réclamant une pause déjeuner ou une cigarette en pleine opération, assoupis dans leur camion ou en proie à des problèmes d'hygiène. «Cela nous fait passer pour des fainéants et des pleureuses», s'inquiète Nils Muller, délégué local du syndicat Unité SGP police FO. L'auteur de la planche polémique est une officier de la compagnie. «J'ai reçu une quinzaine de plaintes d'adhérents mi-février», relate Jérémy Vincent, responsable régional du syndicat Unité SGP police FO - la compagnie compte 135 membres.
Le syndicaliste contacte aussitôt sa hiérarchie afin d'obtenir des explications. Pas de réponse. «Si l'auteur avait été un simple gardien, il aurait été pulvérisé», s'étonne-t-il face au silence de ses supérieurs. Parmi les CRS, certains dédramatisent et parlent «d'épiphénomène». «Chacun évacue le stress à sa manière», explique Thierry Launois, secrétaire national de la branche CRS de l'Unsa police, «il n'y a rien d'antisémite ni de raciste dans cette BD, c'est une caricature de notre vie quotidienne». Même son de cloche chez l'un des gradés, mis en scène avec une tête de sanglier : «On a tous un petit sobriquet, cela m'a fait rire. Je suis plutôt choqué par la tournure que prennent les choses.»
Simple blague potache ou affaire qui pourrait entacher l'image de la CRS 39 et que l'on cherche à étouffer ? Des policiers rapportent que la planche a été affichée dans deux endroits différents : dans le bureau de l'auteure de la BD et dans celui d'un chef de service, caricaturé par elle. Certains laissent entendre que le dessin n'avait pas vocation à circuler. En tout cas, l'affaire a fait suffisamment de bruit pour que l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) se saisisse du dossier. Début avril, la compagnie avait fait parler d'elle pour une vague d'arrêts maladie visant notamment à dénoncer les conditions de travail dégradées (mobilisation incessante et à l'improviste pour protéger des sites sensibles, horaires à rallonge…) depuis la mise en place du plan Vigipirate.