«Tout changer, du sol au plafond», avait promis le téméraire Nicolas Sarkozy. C'était l'été dernier, alors qu'il venait de prendre la décision de revenir pour sauver du naufrage sa famille politique. «Je ne peux pas me dérober», disait-il. Neuf mois plus tard, les adhérents de la future ex-UMP vont pouvoir constater que si tout change, c'est surtout pour que rien ne change.
Places. La composition du nouveau bureau politique (BP) illustre ce paradoxe. Elle a été dévoilée, mardi soir, dans une ambiance consensuelle, après une ultime réunion des principaux responsables du parti pouvant prétendre être représentés. Plus rassembleur que jamais, Sarkozy tenait à ce qu'ils soient tous servis : Alain Juppé, François Fillon et Bruno Le Maire, bien sûr. Mais aussi Xavier Bertrand, Jean-François Copé, Nathalie Kosciusko-Morizet ou encore Hervé Mariton. Tous ceux qui ont laissé entendre qu'ils pourraient participer à l'élection primaire de 2016. Sarkozy a négocié les places avec chacun d'eux. Exactement ce qu'il avait pompeusement juré de ne pas faire, tout au long de sa campagne pour la présidence de l'UMP. «Si jamais je devenais président de notre famille, il n'y aura pas de sarkozystes, pas de fillonistes, pas de juppéistes, ni de lemairistes. Il n'y aura pas de clan, pas de tendance, ni de chapelle dans la cathédrale», avait il promis à ses supporteurs déchaînés, le 6 octobre à Vélizy (Yvelines).
Dans la grande tradition inaugurée par son prédécesseur Jean-François Copé, Sarkozy a choisi de constituer le BP en armée mexicaine de 116 membres. Organe statutairement censé assurer «la direction du Mouvement», le nouveau BP se compose de 80 membres élus par le conseil national, et de 36 membres de droit. Avec une pointe d’ironie, le député-maire de Meaux n’a pas manqué de féliciter son successeur, alors que chacun a en mémoire les moqueries qui avaient accompagné sa frénésie de nominations… Pour s’assurer le contrôle d’une instance décisionnelle, rien de plus efficace que de la rendre pléthorique, et donc impuissante. Copé l’avait bien compris. Sarkozy ne fait pas autre chose.
Pour l’ancien chef de l’Etat, l’opération est doublement gagnante : il s’assure le contrôle total du parti tout en accueillant généreusement ceux qui se préparent à le combattre. De quoi renforcer le parti et son président. Comment contester sa légitimité de leader de l’opposition et de maître d’œuvre du projet d’alternance à celui qui a réuni la «famille» autour de lui, sans aucune exclusive ?
Nicolas Sarkozy a pris ce casting très au sérieux. Il a reçu à plusieurs reprises à ce sujet François Fillon, Alain Juppé et Bruno Le Maire, invités à lui fournir des listes de noms de parlementaires ou d’élus locaux qu’ils souhaitaient voir siéger au BP. L’ancien chef de l’Etat voulait à tout prix se présenter au congrès «refondateur» du 30 mai avec une liste unique de 80 noms. Pas question de copier les usages socialistes en soumettant au vote du conseil national (le parlement du parti) plusieurs listes concurrentes. Sarkozy serait certes assuré de gagner haut la main une telle compétition. Mais cela ferait de lui un vulgaire chef de parti. Et les prétendants à l’élection présidentielle auraient beau jeu d’affirmer que ce parti nommé les Républicains ne serait pas autre chose qu’une machine de guerre au service exclusif de Sarkozy dans la campagne de l’élection primaire.
Contorsions. Du congrès du 30 mai, le Républicain en chef voudrait faire une grand-messe confraternelle où chacun trouvera sa place. Juppé, Fillon et les autres seront traités avec les meilleurs égards. Et les ultrasarkozystes devraient être sommés de retenir leurs sifflets.
Nathalie Kosciusko-Morizet a obtenu que la liste des 80 élus du BP soit strictement paritaire. Ce qui a rendu l’exercice plus compliqué que prévu. Car Sarkozy s’était engagé à recaser, dans le nouveau collège de 80 élus, les 40 du BP sortant qui n’était, lui, pas du tout paritaire. Après moult contorsions, il est apparu que la seule solution était de créer une nouvelle catégorie de membres non élus, joliment baptisée «membres invités permanents». Y figurent tous les barons, et une poignée de baronnes, qui n’entrent pas dans la catégorie des membres de droit, mais ne pouvaient rester dehors : Accoyer, Alliot-Marie, Baroin, Bertrand, Ciotti, Darmanin, Devedjian, Hortefeux, Longuet ou encore Bussereau.
C'est ainsi que ce bureau politique en est arrivé à compter 116 membres. Un record. Alain Juppé a d'ailleurs suggéré que le petit comité d'une dizaine de responsables réunis le mardi matin autour du chef de l'UMP puisse être convoqué pour «préparer» les réunions de ce BP XXL. Sarkozy n'a pas jugé cette proposition digne d'intérêt.