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DECRYPTAGE

Congrès PS : dites, y a quoi dans ces motions ?

A la veille du vote des militants socialistes sur les textes d’orientation présentés par quatre sensibilités, «Libération» présente les cinq thèmes les plus discutés.
Jean-Christophe Cambadelis, premier secrétaire du PS, le 11 avril à Paris. (Photo Alain Jocard. AFP)
publié le 19 mai 2015 à 18h37

Il reste deux jours. Jeudi, les 131 000 adhérents socialistes (chiffres du parti) sont appelés à trancher entre quatre «motions» afin de décider de l'orientation de leur formation, du 5 au 7 juin, dates de leur 77e congrès organisé ce coup-ci à Poitiers. «Renouveau socialiste», regroupant les poids lourds du parti autour du premier secrétaire sortant, Jean-Christophe Cambadélis, et les plus à gauche de «A gauche pour gagner» autour du député Christian Paul se disputent le leadership. «La Fabrique» de la députée Karine Berger compte se faire un petit espace. Plus compliquée pour la toute petite motion, «Osons un nouveau pacte citoyen et républicain» de Florence Augier. Avant le vote, Libération a relu les motions et extrait les lignes de force.

L’économie en première ligne

Jean-Christophe Cambadélis et ses soutiens auraient bien aimé sortir de cet «économisme» qui anime les siens depuis 2012. Mais rien à faire, dans les réunions militantes précédant le vote de jeudi, on a causé avec insistance de réforme fiscale, petites retraites, minima sociaux, retenue à la source, coupes budgétaires, investissements publics et baisse des déficits… Le débat sur l'orientation économique de la gauche au pouvoir structure ce 77e congrès du PS. D'ailleurs, la motion «B» rassemble ces socialistes qui ont «frondé» la première fois pour réclamer la mise en place d'une CSG progressive dès juillet 2013. Et qui est première signataire de la «D» baptisée «La Fabrique» ? La députée Karine Berger : actuelle secrétaire nationale du PS à… l'Economie.

Avec les ministres – dont le Premier d'entre eux – en signataires, la motion A compte donc, sans surprise, «prolonge[r]» l'action menée depuis 2012 tout en «corrigeant ce qui doit l'être». Condition indispensable pour recevoir le soutien de Martine Aubry et de ses amis, leur texte insiste largement sur l'«effort important supplémentaire d'investissement» déjà annoncé par le gouvernement, ne remet pas en compte les sacro-saints Crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) et Pacte de responsabilité, mais mettent en garde les entreprises : «Nous estimons que les 15 milliards du Pacte qui restent à utiliser devraient dorénavant l'être plus directement pour favoriser l'emploi, l'investissement privé productif et les investissements publics». Quant à la réforme fiscale, ils promettent de la «mene[r] à bien» en engageant «dès le projet de budget pour 2016» le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu «et une réduction de la CSG sur les premières tranches de revenus». Ce que Bercy a déjà exclu…

Du pain bénit pour la motion de Christian Paul. Dans leur texte, lui et ses soutiens proposent de «recentrer» les aides aux entreprises, revenir sur la suppression de la «contribution sociale de solidarité des sociétés» et «rediscuter» d'une autre utilisation de ces «15 milliards» d'euros du Pacte restant pour les «orienter» vers le logement, le «verdissement» de l'économie et «l'amélioration des réseaux de transports». Sur la CSG, ils mettent aussi en débat «l'instauration d'un barème progressif». Chez les «D», les premières des 80 propositions concernent l'économie : transformation du CICE en «priorité aux PME», «contreparties» aux aides aux entreprises, «fin» de la baisse des dotations aux collectivités locales… Et chez les «C», on compte notamment sur «les services à la personne» pour relancer l'économie.

Du rose teinté de vert

Cambadélis & co veulent en faire «la grande avancée sociale du quinquennat» : la «sécurité sociale professionnelle»«cinquième branche» de la Sécu. Portée notamment par un proche d'Aubry, Jean-Marc Germain, cette mesure prendrait la forme «d'un compte personnel d'activité professionnelle regroupant l'ensemble des droits liés à la vie professionnelle : service civique, formation professionnelle, compte personnel de pénibilité, compte épargne-temps»… Nouveauté chez ces socialistes souvent hermétiques à la culture écologique : l'«écosocialisme» devient un «mot d'ordre». Et avant tout s'il peut faire décoller la croissance : «Nous plaidons pour le verdissement accru des interventions publiques à destination des entreprises», écrivent-ils.

Chez les autres motions, on partage cet «écosocialisme» inscrit désormais dans tous les textes PS. Plus concrètement, les «B» listent quelques mesures («aller au-delà du doublement en trois ans du fonds chaleur», «faire de la France un pays zéro déchet», «interdire la spéculation sur les matières premières agricoles»…) et les «D» mettent cette question en tête de leurs propositions avec l'instauration d'un «seuil de pauvreté écologique sur les minimas sociaux» ou d'une «fiscalité écologique». Ils soumettent également l'idée de «coupons mensuels de formation» ou de «consacrer aux chômeurs de longue durée 30% des 34 milliards d'euros destinés chaque année à la formation professionnelle». La motion Augier a choisi les graphiques pour que «l'économie verte» devienne un «vivier d'emplois».

La bataille pour «l’égalité»

Elle est dans toutes les motions. Déclinée en «dix chantiers» chez Cambadélis ou bien «réelle» chez Paul. La question de l'égalité, sans surprise, occupe une part importante des motions socialistes. «La Fabrique» de Berger, milite pour une «carte scolaire stricte», «l'égal accès […] à l'enseignement supérieur» pour ce qui est de l'éducation, la mise en place d'un «service familial sur le modèle du service civique» pour aider les personnes âgées ou encore une «refondation» de la Sécu. Côté «A gauche pour gagner» (Paul), on se veut calé sur un sujet porté, à l'époque du PS version Aubry, par l'un des leurs : l'ex-ministre Benoît Hamon. Sur l'école, ils demandent à ce que soit «développé […] au plus vite» le «dispositif «plus de maîtres que de classes». Sur l'hôpital, ils dénoncent «les années de restriction budgétaire» ou «les méfaits de la tarification à l'activité». Quant aux discriminations, ils remettent sur la table «l'attestation de contrôle d'identité pour lutter contre le contrôle au faciès» et laissée tomber en route par le gouvernement. Côté «Renouveau socialiste» (Cambadélis), on s'appuie allègrement sur ce que fait déjà le gouvernement : numérique dans les écoles, loi de refondation de l'école, garantie jeune, loi santé de Marisol Touraine ou celle sur l'égalité femmes hommes. «Osons un nouveau pacte citoyen et républicain» (Augier) insiste sur la nécessité de s'attaquer à «la précarité».

L’Europe pas assez «réorientée»

Même la motion Cambadélis en fait le constat : si «les lignes ont bougé en Europe», la France doit poursuivre la «réorientation» de l'Union européenne. Comment ? En prônant «un ambitieux programme transcontinental d'investissements pour la nouvelle croissance», en «assoupli[ssant]» les «disciplines budgétaires» ou encore en faisant aboutir la «taxe sur les transactions financières» dont le «produit» devra être versé au Fonds vert de l'ONU, cher à François Hollande. Ce texte réclame aussi un «traité social pour l'Europe» «afin de jeter les bases d'une allocation-chômage européenne ou encore d'un salaire minimum européen». Ce que le PS revendique depuis belle lurette… Souvent ex-partisans du «non» socialiste à la constitution européenne de 2005, les signataires de la motion Paul insistent, eux aussi, sur «l'Europe sociale» et s'impatientent de la timidité de leurs dirigeants PS : «Tous ces sujets dont nous parlons dans nos congrès ne font même pas l'objet d'un agenda.» Pour la motion Berger, il s'agit carrément de «déclarer l'urgence sociale et démocratique en Europe». Ils ont tout une batterie de propositions là-dessus : «listes transnationales» aux européennes, «négociations» pour un «Maastricht II», «mutualis[ation] au niveau de la zone euro [de] la politique de l'emploi et l'assurance chômage», «impôt européen sur les sociétés»… Pour celle d'Augier, là aussi on ressort les graphiques pour expliquer qu'il faut «lutter contre le dumping fiscal et social».

Un parti trop fermé

C'est un grand classique des congrès socialistes. Pour attirer le militant qui réclame toujours plus de paroles, les motions leur promettent toujours le grand soir de la «rénovation». «La Fabrique» a ainsi récupéré un créneau porteur – celui de la base contre le sommet – porté en son temps par Ségolène Royal (Reims en 2008) ou Pierre Larrouturou (Toulouse en 2012). Ils veulent ainsi «faire du PS un parti participatif» avec un site internet transformé en «plateforme collaborative», des «cercles thématiques» dans les fédérations, dont le siège, rue de Solférino, serait vendu pour aller s'installer «en proche banlieue parisienne». Les «primaires» sur le modèle de celle de 2011 (présidentielle) ou 2013 (municipales) seraient «généralisées» et les militants des autres partis de gauche pourraient participer à certaines de leurs consultations internes. La motion Augier demande, elle aussi, une «réorganisation» complète du PS avec des militants «au cœur». Forcément…

Autre tradition, celle de l'aile gauche : Paul prône ainsi un parti «autonome» du gouvernement et «qui respire avec la société» et qui organiserait, y compris pour 2017, des «primaires au service du rassemblement de la gauche». Quant à Cambadélis, il milite pour un «dépassement» du «Parti socialiste d'Epinay […] à bout de souffle» avec «un big-bang organisationnel», un objectif de «500 000 adhérents» et la création d'une «fédération unitaire» regroupant leurs alliés. Avec une convention prévue fin novembre, ça ne laisse aucune place à une nouvelle primaire.